Titre : La république du crâne
Scénariste : Vincent Brugeas
Dessinateur : Ronan Toulhoat
Parution : Février 2022
La République du Crâne… Un titre charismatique mis en valeur par une couverture nous offrant au premier plan un drapeau pirate splendide. La présence des noms de Brugeas et Toulhoat finalise d’éveiller mon attrait pour ce nouvel album d’environ deux cent pages. En effet, ce duo d’auteurs offre, à mes yeux, une garantie de qualité. Chacune de leur production m’a offert un moment intense et captivant de lecteur. J’étais donc optimiste quant à leur immersion narrative dans l’univers de la piraterie…
Une dimension presque documentaire
La République du Crâne est un bel ouvrage composé d’environ deux cents pages. Son contenu est partagé en neuf chapitres. Ce découpage est intéressant car il met en valeur la dimension de chronique de l’histoire. Cet aspect est accentué par le fait qu’un des personnages principaux rédige un journal de bord. J’ai rapidement eu le sentiment que cet album ne nous contait pas uniquement le destin de personnages charismatiques mais nous immergeait également dans le milieu de la piraterie avec une dimension presque documentaire.
L’histoire se construit autour d’un équipage de pirates dont nous découvrons les aventures. Le casting proposé est intéressant. Même si on retrouve bon nombre de caractéristiques familières à ces gredins des mers, les auteurs offrent des personnalités originales à réussies à leurs protagonistes principaux. Le scénario arrive à équilibrer joliment la place laissée à chacun des personnages pour lui permettre d’évoluer. L’attachement pour cette confrérie et l’attrait pour leur devenir sont assez évident.
L’intrigue prend une atmosphère toute particulière quand apparait sur le pont d’un navire en détresse une reine noire et son peuple d’esclaves. Ils se sont libérés de leurs chaines et sont accueillis par les pirates. La jeune femme possède une aura qui fragilise les équilibres dans la communauté. Le mystère qui l’entoure génère une angoisse et une crainte qui accompagnent chacune de ses apparitions du début à la fin du livre.
L’intégralité de la trame s’inscrit dans le quotidien de cette communauté particulière. Les rapports de force et les équilibres parfois instables sont habilement décrits. Le discours n’est en rien manichéen. La répartition du pouvoir est subtile. Le passé des personnages est plein de mystères et accompagne la narration avec talent. La dimension « familiale » de tout ce petit monde est une belle réussite et enrichit fortement ces aventures de pirates.
Le scénario nous propose une fuite en avant des héros. La confrérie connait une crise de croissance avec l’arrivée de nouveaux membres. Cela génère des tensions et des non-dits. On arrive à avoir peur pour les protagonistes. Le danger semble pouvoir venir à la fois de l’intérieur ou de l’extérieur. Cette atmosphère oppressante de menace alimente l’ambiance avec force. La lecture en est sublimée et intensifiée. Le travail d’écriture sur ce plan-là est, à mes yeux, remarquable.
Les illustrations de Ronan Toulhoat finissent de finaliser la dimension épique et dramatique de l’ensemble. Le talent de ce dessinateur n’est plus à démontrer. Je suis tombé sous le charme de son trait depuis ma première rencontre dans Block 109. Depuis, je suis fasciné à chacune de ses nouvelles productions. La précision et le dynamisme de son style offre un réalisme et une ampleur remarquables à l’aventure que nous découvrons. Son travail sur les personnages leur offre une force d’une rare puissance. Impressionnant.
Pour conclure, La République du Crâne est amenée à devenir une œuvre majeure du neuvième art dans le domaine de la piraterie. Tous les codes et les charmes de ce genre sont sublimés par le duo d’auteurs qui confirment une nouvelle fois leurs talents. Je conseille fortement la lecture de cet ouvrage qui devrait ravir bon nombre de bédéphiles…