En effet, avant d'espérer exploiter les trésors de données que recèlent les centres informatiques, il faut d'abord les découvrir, en comprendre la sémantique, connaître leurs caractéristiques, savoir par quels moyens et dans quelles conditions elles sont accessibles, appréhender leur protection… Dans la pratique, l'oubli de cet impératif constitue une des raisons majeures d'échec des projets et explique pourquoi les initiatives qui aboutissent en production ont une portée limitée (contrainte à la source).
Afin d'éviter ce piège, Truist, qui est pourtant certainement confrontée à la pénurie généralisée de talents du côté des consommateurs d'information, choisit d'acquérir une plate-forme de gouvernance des données (Arena, le principal actif de l'éditeur Zaloni) plutôt que de focaliser d'emblée tous ses efforts sur des solutions d'IA, comme tant de ses concurrentes. Grâce à sa technologie et ses équipes d'experts (en partie délocalisées), la banque veut rationaliser la maîtrise de son patrimoine, au service de ses ambitions.
En suivant la voie du rachat, alors que l'option habituelle consiste à sélectionner et installer un produit, Truist rejoint une tendance en vogue actuellement, qui lui permet de répondre à ses besoins non seulement en logiciel mais également en compétences (rares). Plus profondément, elle démontre en outre la priorité stratégique qu'elle place sur ce domaine particulier, généralement sous-estimé, voire ignoré, dans les grands groupes, notamment parce que sa valeur est peu visible et difficile à défendre.
Naturellement, même si elle représente un progrès indéniable, la mise en œuvre d'une plate-forme de gestion, y compris avec l'assistance de professionnels expérimentés, ne suffira pas à pallier les déficiences de gouvernance existantes. Comme toujours avec les plans de grande ampleur, l'évolution des habitudes (de la culture) est un autre chantier critique pour le succès : il faut que tous ceux qui manipulent l'information, depuis le chef de produit jusqu'au développeur, adaptent leurs modes de fonctionnement.
Dans l'univers « digital », la donnée est fréquemment qualifiée de nouvel or noir, au sens d'une vaste ressource peu exploitée susceptible de créer une richesse considérable. En prolongeant l'analogie, je soupçonne que bien des utilisateurs potentiels oublient qu'entre la détection d'une réserve de pétrole et le remplissage d'un réservoir de voiture, un travail considérable est réalisé. La gouvernance en fournit un équivalent, qui convertit la matière brute inaccessible d'origine en un produit raffiné prêt à exprimer toute sa puissance.