Quiconque a travaillé dans une direction informatique (et il en est probablement de même dans d'autres départements) a déjà ressenti l'impression de perte de temps incommensurable en réunions. Le spécialiste de la gestion d'agenda Clockwise a analysé les usages de ses clients afin d'en vérifier la réalité… et les résultats sont édifiants.
Après avoir décortiqué quelques 1,5 millions d'événements dans les plannings de plus de 80 000 ingénieurs logiciels opérant dans 5 000 entreprises de toutes tailles, l'enquête révèle que chacun d'eux passe en moyenne près de 11 heures en réunions chaque semaine. Diverses études académiques ayant démontré qu'il faut environ 23 minutes pour reprendre sa concentration après une interruption, elle estime que leur période de pleine activité est de l'ordre de 19 heures, soit la moitié de leur temps de présence effectif.
Autre observation empirique définitivement confirmée par la mesure, les grands groupes sont plus fortement affectés par le phénomène que les petites structures. Entre l'excès de bureaucratie dont ils sont souvent victimes et les contraintes plus légitimes liées à une coordination plus complexe, leurs collaborateurs consacrent deux heures et demies de plus à des rencontres, au prix exorbitant de 5,6 heures supplémentaires de faible concentration (ce qui ne leur laisse que 17 heures véritablement productives).
Sans surprise, les managers se trouvent encore plus profondément confrontés au problème. Quel que soit leur niveau dans l'organisation (du chef de projet au directeur), ils participent à des réunions pendant la moitié de leur vie professionnelle, notamment en entretiens individuels avec leurs subordonnés, ce qui leur laisse à peine plus d'une dizaine d'heures à consacrer sérieusement aux autres tâches qui leur incombent, telles que motivation des équipes, pilotage d'initiatives prioritaires, décisions stratégiques…
Lorsqu'ils sont interrogés, ils se déclarent conscients des impacts sur leurs résultats du manque généralisé de séquences pendant lesquelles les employés peuvent vraiment focaliser leur attention, en termes d'efficacité opérationnelle (pour 90% d'entre eux), de rapidité de livraison des projets (80%) et, en perspective, de revenus pour l'entreprise (76%). Pourtant, en dépit de leur position qui leur procure une certaine latitude d'intervention, ils semblent démunis quant aux moyens de rectifier la situation.
Certes, il ne peut être question de supprimer entièrement les moments d'échange, extrêmement importants pour assurer un fonctionnement cohérent de l'organisation. Clockwise suggère cependant quelques pistes d'optimisation à explorer : la remise en question des innombrables rendez-vous récurrents qui se tiennent même quand rien de nouveau ne mérite d'être partagé (dont, par exemple, le « stand-up meeting » quotidien des méthodes agiles…), la promotion de la communication asynchrone en substitution aux calendriers rigides ou l'instauration d'une journée hebdomadaire sans réunion.
À une époque où elles connaissent d'immenses difficultés de recrutement, surtout dans les professions technologiques, les entreprises devraient certainement s'interroger sur la productivité de leurs effectifs en place et sur les opportunités de l'augmenter afin de pallier le déficit de compétences. Dans ce registre, la réunionite constitue certainement un facteur de premier plan et la mise en œuvre de quelques solutions simples devrait permettre de la réduire sensiblement. Encore faut-il vouloir changer ses habitudes !