Confier des travaux à un sous-traitant manifestement incompétent, est-ce une faute ?

Publié le 20 août 2022 par Christophe Buffet

La Cour de Cassation reproche à une cour d'appel de ne pas avoir répondu à cette question : confier des travaux à un sous-traitant manifestement incompétent, est-ce une faute ?

"Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'établissement public Hospices civils de Colmar, maître de l'ouvrage, a confié la réalisation de travaux de réhabilitation du réseau d'eau chaude dans l'opération de restructuration et d'aménagement d'un centre médical à divers constructeurs, dont la société Blank, entrepreneur général, qui a sous-traité la 2e tranche des travaux de plomberie-sanitaire à la société Citrem, assurée par la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la 3e tranche de ces travaux à la société Spie Batignolles, également assurée par la SMABTP, qui les a, elle-même, sous-traités à la société SCEA, depuis lors en liquidation judiciaire, assurée par la Mutuelle assurance artisanale de France (MAAF) ; qu'après réception prononcée le 17 février 1986 pour la tranche II et le 8 décembre 1986 pour la tranche III, des désordres étant apparus, le maître de l'ouvrage a assigné en réparation sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, notamment la société Spie Batignolles et la SMABTP, qui ont appelé en garantie la société SCEA, M. X..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et la MAAF ;

Attendu que pour rejeter la demande de l'établissement public Hospices civils de Colmar, l'arrêt attaqué (Colmar, 15 mai 2003) relève que les désordres ayant affecté les deux tranches de travaux sont imputables à une corrosion électro-chimique de l'ensemble du réseau produite par l'installation par la société SCEA, dans la tranche III, de canalisations en acier en aval d'éléments de bouclage en cuivre, que cette pratique connue pour provoquer de nombreux percements de canalisation est formellement interdite par le document technique unifié 60/1 et retient que la société Spie Batignolles, contre laquelle aucun élément matériel n'a été constaté à charge par l'expert, n'est pas responsable sur le plan délictuel envers les tiers du fait de son propre sous-traitant ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'établissement public Hospices civils de Colmar faisant valoir que la société Spie Batignolles avait commis une faute en confiant imprudemment les travaux qu'elle devait réaliser à un sous-traitant manifestement incompétent, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute l'établissement public Hospices civils de Colmar de sa demande contre la société Spie Batignolles et la SMABTP, l'arrêt rendu le 15 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Spie Batignolles et la SMABTP aux dépens, sauf à ceux exposés par la mise en cause du groupement d'intérêt économique Ceten APAVE et de la société Serue, qui resteront à la charge de l'établissement public Hospices civils de Colmar ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'établissement public Hospices civils de Colmar à payer au GIE Ceten APAVE la somme de 920 euros et à la société Serue la somme de 920 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille cinq."