Folio n°1855. Gallimard, Paris, 1988.
Lectrices d'ici, lecteurs d'ailleurs, retrouvez vous à Chicago en 1940 dans la peau d'un homme noir, pauvre et pas malin. C'est ce que nous raconte Richard Wright avec son " Enfant du pays ". Richard Wright est né noir et pauvre avec un père alcoolique à Natchez, Mississipi, en 1908. C'est dire s'il connaissait son sujet.
La différence avec son héros, c'est que Richard Wright était intelligent et avait une conscience sociale forte. Compagnon de route du Parti communiste américain, surveillé de près par le FBI pour ses activités antiaméricaines, il choisit l'exil pour échapper au maccarthysme. Il est mort à Paris en France en 1960. D'une crise cardiaque.
Son héros, Bigger, lui ne mourra pas de mort naturelle. Il faut dire qu'il se met dans un sale pétrin. Tout est contre lui, les faits (deux meurtres réels) et les apparences (un viol imputé). Je ne vous pas dis de qui. Vous le saurez en lisant le livre. Sa personne est si peu importante qu'il n'a ni nom ni prénom. Juste un surnom " Bigger " ( Plus gros) car il prend de la place cet homme.
Evidemment, la machine de mort se met en marche contre lui et il n'y aura pas de happy end.
C'est la chasse à l'homme. Même ses frères de couleur y participent car ils veulent se débarrasser de ce gêneur qui énerve les Blancs.
Plutôt que d'écrire un essai contre le racisme, la pauvreté entretenue sciemment, le mirage du rêve américain promis à tous mais permis seulement à certains, Richard Wright confie la cause à la plaidoirie de l'avocat de Bigger, un Blanc mais pas un WASP (White Anglo Saxon Protestant), un Juif. Ce qui sonne juste tant les Juifs apportèrent un soutien déterminant à la cause des droits civiques aux Etats-Unis d'Amérique.
Richard Wright vous captive du début à la fin bien que la fin soit prévisible dès le départ tant elle est inéluctable. Mais c'est la description de cette machine à broyer les hommes et de son inéluctabilité qui fait toute la force du livre.
Le fait que ce roman ait pu être publié aux Etats-Unis d'Amérique en 1940 prouve que la liberté d'expression (1er amendement à la Constitution américaine) n'est pas un vain mot. Alors que les Etats-Unis d'Amérique sont toujours secoués régulièrement par des affaires de violences policières, la lecture d' " Un enfant du pays " de Richard Wright reste d'actualité pour mesurer le chemin parcouru depuis 1940 et celui qui reste à franchir.
" Si les Blancs américains savaient ce qui passe dans la tête de chaque Noir qu'ils croisent, ils seraient morts de peur " ( Miles Davis).