A présent, vous l’avez probablement vu : la jeune héroïne du prochain jeu Forspoken se fraye un chemin à travers des champs vides et enferme les méchants dans des piliers de cendres, plaisantant tout le long. “Alors, laissez-moi clarifier les choses…”, commence-t-elle, adoptant le ton ironique et moqueur de tant de héros de la culture pop contemporaine. Ajoutez quelques mentions de “dragons effrayants” et de “tuer des bêtes gonflées”, et vous avez l’étoffe d’un mème Internet instantané.
Il n’a pas fallu longtemps aux gens pour commencer à faire des blagues aux dépens de la publicité. Le créateur de contenu et doubleur ProZD a été l’un des premiers à participer à l’action :
FunnyWes de Bloodborne PSX a mis au point une version amusante du jeu bien-aimé de FromSoftware :
Et mon préféré est cette contribution de BobVids sur le thème de Tony Hawk :
Dans l’ensemble, il est tentant de rire de ces mèmes loufoques et de passer à autre chose. Après tout, la communauté du jeu trouvera quelque chose de nouveau et d’embarrassant à rire dans les prochains jours. Et puisque le jeu est encore au four, nous n’avons aucune idée si cette publicité reflétera le produit final. Mais, pour moi, l’écriture regrettable dans cette publicité parle d’un problème plus important dans la production de jeux, qui bouillonne depuis cinq à dix ans. Je parle de l’abject”Jossification” qui s’est emparé du jeu à sa racine, en particulier dans l’espace triple-A.
Si vous jouez à beaucoup de jeux vidéo, vous avez probablement remarqué que le ton et l’écriture des personnages des blockbusters à gros budget sont devenus remarquablement similaires ces dernières années. Ou, pour le dire d’une manière moins charitable, il y a un sentiment aigu que beaucoup de jeux se contentent du générique au lieu de se différencier réellement du reste du pack. Le style d’écriture des grands jeux vidéo s’est installé sur le malaise sarcastique et rempli de plaisanteries popularisé pour la première fois par Joss Whedon dans des émissions comme Buffy contre les vampires et Firefly.
Par exemple, comparez les bandes-annonces révélatrices du prochain Saints Row et de l’exclusivité retardée d’Arkane Redfall, chacune datant d’il y a environ un an. Bien qu’ils soient très différents dans le genre et la présentation générale, les deux jeux ont un ton étrangement similaire, rempli de plaisanteries pleines d’esprit, de non-séquences, de gags visuels et, bien sûr, de nombreuses plaisanteries. “Dormez bien”, dit notre intrépide tireur d’élite avant de faire des trous dans cinq vampires. “Ugh, ce n’est TELLEMENT pas professionnel”, plaisante l’un de nos adorables perdants en apprenant que le gang qu’ils sont sur le point de voler a tiré sur le marchand d’armes qui livrait les marchandises.
Maintenant, il n’y a rien de mal à injecter un peu de légèreté dans votre jeu. De par leur nature même, les jeux vidéo sont souvent ridicules, et l’humour au bon moment peut grandement contribuer à atténuer certains des aspects les plus ennuyeux d’une longue campagne. (Et, pour être juste envers ces deux jeux, ils présentent tous les deux une bien meilleure écriture que cette maudite publicité Forspoken.) Mais ces derniers temps, on a l’impression que chaque jeu a exactement le même sens de l’humour : violent, mais pas graphique ; maladroit, mais pas absurde ; irrévérencieux, mais jamais transgressif. On ne sait pas exactement quels sont les objets de ces punchlines, sauf peut-être le concept de quiconque prenant quoi que ce soit au sérieux.
Le contrecoup de ce genre de style d’écriture smarmy et sur le nez se prépare depuis longtemps dans certains quartiers d’Internet, en particulier dans les communautés cinématographiques. La critique autoritaire est peut-être mieux résumée par la récente mémification de la boutade : “Eh bien, ça vient d’arriver !”
Malgré le fait que cette phrase ne semble réellement apparaître dans aucun film Marvel réel, elle est devenue un raccourci pour le cliché, les blagues usées que certaines personnes attribuent au MCU. La ligne elle-même est la philosophie essentielle du scénariste et réalisateur de The Avengers Joss Whedon : Peu importe ce qui vient de se passer, nous pouvons faire une blague référentielle stupide à ses dépens et effacer instantanément toute tension dramatique. (Pour mémoire, quelqu’un dit en fait: “Il est juste derrière moi, n’est-ce pas?” dans Thor: Love and Thunder. C’est Taika Waititi pour vous.)
Que vous aimiez ce style d’écriture dépendra en fin de compte de vos goûts personnels. Pourtant, même si vous aimez quelque chose, il y a une limite ultime à cet amour. Personne ne veut manger de pizza à chaque repas. Pour moi, le principal problème avec le fait de s’appuyer tout le temps sur la plaisanterie Whedon-esque est qu’il prive chaque situation d’enjeux. La peur, la colère, la haine, l’amour – cela aplatit toutes les extrémités de l’émotion humaine en un sourire suffisant et un « à vous ». Écrivain d’horreur noté Gretchen Felker Martin a récemment décrit le style de Whedon comme “rouler des yeux devant les visions les plus profondes d’extase et d’horreur que l’univers a à offrir”, et je pense que c’est une excellente façon de le dire.
L’étude de cas la plus intéressante dans la Jossification en cours de l’industrie est peut-être survenue en 2018, lorsque Destiny 2 a tué Exo Cayde-6, le favori des fans, dans l’extension Forsaken. Exprimé par Nathan Fillion, collaborateur fréquent de Whedon, Cayde-6 a servi d’incarnation ambulante du style d’écriture léger du jeu. La mort de Cayde a été considérée par de nombreux fans comme un pas vers un style plus sérieux en accord avec les traditions importantes du jeu et des thèmes plus profonds. Lors du lancement de Destiny 2, le sens de l’humour de Cayde-6 était à l’avant-plan, conduisant à un changement de ton plus Jossifié que tous les fans n’ont pas apprécié. Grâce à ce déménagement, Destiny a réussi à explorer un territoire plus réfléchi dans le domaine axé sur les traumatismes. Saison des hantés. Quelle que soit la façon dont vous le voyez, il était certainement intéressant de voir un développeur de jeux vidéo populaire reprendre le concept de plaisanteries inactives et mettre deux trous dans sa tête.
Dans l’ensemble, je ne pense pas que les auteurs de jeux vidéo devraient s’efforcer d’instituer une nouvelle vague de dialogue sombre et sérieux – ou du moins, pas tous à la fois. Cependant, j’aimerais voir plus de jeux s’inspirer d’indies bien écrites axées sur l’humour comme Disco Elysium, Hades et même Cruelty Squad. La nouvelle conception de Disco Elysium de donner à chacune des émotions de votre personnage une voix unique la fait ressortir dans l’espace, avec son penchant vers le surréaliste. Cruelty Squad dépeint un monde absurde et laid déchiré par le capitalisme qui est si profondément cynique qu’il parvient à susciter des rires de ventre. Et bien que Hades ait sa juste part de plaisanteries Tumblr-y, chacun de ses personnages mémorables a une voix et une personnalité si fortes qu’il parvient à clouer l’atterrissage.
Tous les jeux n’ont pas besoin d’avoir une écriture primée, mais un peu de diversité dans le ton, le genre et l’humour irait très loin. C’est en grande partie pourquoi The Witcher 3 est un si bon RPG, et j’espère que certains développeurs apprendront de son exemple. Le dialogue dans cette annonce Forspoken a peut-être attiré la colère des jokers en ligne, mais il n’y a rien de particulièrement mauvais ou répréhensible à ce sujet. L’écriture Whedon-esque est apparue comme avant-gardiste et fraîche à son époque, mais le temps a passé, et elle semble maintenant générique et banale sans le traitement approprié.
Indépendamment de ce que les développeurs pensent de ce style, il est clair qu’une partie assez importante du public est prête à se moquer de ses excès à l’occasion. En tant que tel, si vous écrivez des jeux vidéo, vous feriez mieux d’affiner vos one-liners, car les créateurs de contenu viennent pour vous.
La véritable tragédie de toute cette débâcle est que les images de Forsaken dans la publicité semblent en fait assez convaincantes, du moins selon les normes des jeux en monde ouvert à gros budget d’aujourd’hui : options de traversée dynamiques, combat satisfaisant. Si seulement Square Enix avait mis en ligne une version sans son.
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