En cette période particulièrement chaude par rapport "aux valeurs normales de saison" (sic !), j'ai pris un peu de recul sur mon blog pour me consacrer à des projets éditoriaux, de recherche et à la préparation de mes nouveaux cours d'économie. J'aurai l'occasion de vous en dire plus bientôt, mais pour l'heure je profite de cette trêve estivale pour aborder sur mon blog des thèmes différents, à l'instar de mon article sur l'Utopie de Thomas More le mois dernier.
Juste avant les vacances, l'un de mes anciens étudiants m'a demandé comment la microéconomie pouvait expliquer les choix qui s'offrent au gouvernement pour lutter contre le tabagisme. Comme cette question me semble particulièrement importante, et qu'en plus elle permet de mettre en œuvre des outils économiques assez facilement compréhensibles, je me suis dit que ma réponse pouvait constituer un bon sujet d'article de blog.
Les chiffres du tabagisme en France
Dans cet article de Santé publique France, les auteurs montrent que la prévalence du tabagisme a diminué en France ces dernières années, avec la mise en place de plans nationaux de lutte contre le tabagisme. Le nombre de fumeurs quotidiens est ainsi passé de 28,5 % en 2014 à 24,0 % en 2019. Toutefois, ce chiffre resté élevé et s'accompagne de 75 000 décès par an en 2015, soit 13% des décès survenus en France métropolitaine !
[ Source : Consommation de tabac parmi les adultes en 2020 : résultats du Baromètre Santé publique France ]
Pour étudier les conséquences de la covid-19 et de son lot de confinements sur la prévalence du tabac, les auteurs se sont appuyés sur les données du Baromètre de Santé publique France, qui est une enquête téléphonique sur un échantillon aléatoire de 14 873 personnes adultes résidant en France métropolitaine. Menée entre janvier et mars, puis entre juin et juillet 2020, cette étude conclut que, en 2020, 31,8 % des répondants de 18-75 ans déclaraient fumer (31,8 %) et 25,5 % quotidiennement. Les auteurs ne notent pas de variation significative de la prévalence du tabac par rapport à 2019, sauf pour le premier tiers de la population dont les revenus sont les moins élevés, mais une stabilisation apparaît après le 1er confinement.
Quant au tabagisme des jeunes, il reste un défi majeur en France... et partout en Europe comme le montre le graphique ci-dessous !
Deux grandes orientations pour lutter contre le tabagisme
Le premier moyen de lutte contre le tabagisme est constitué par l'ensemble des mesures visant à réduire la quantité demandée de cigarettes pour tout niveau de prix (messages sur les paquets et prévention, interdiction de la publicité...). Les économistes disent qu'une telle politique publique vise à faire déplacer la courbe de demande vers la gauche sur le graphique ci-dessous :
L’autre moyen de lutte contre le tabagisme consiste à augmenter le prix du paquet de cigarettes, comme c'est le cas depuis de nombreuses années, afin d'inciter les consommateurs à réduire leur consommation de cigarettes. Les économistes disent qu'une telle politique publique vise à un déplacement le long de la courbe de demande, afin d'atteindre une consommation plus basse de cigarettes associée à un prix plus élevé.
Voilà comment des outils simples de la microéconomie permettent de bien comprendre les conséquences des choix de politique publique. Au reste, tout l'art de la politique (publique) consiste alors à combiner les deux moyens présentés ci-dessus, dans l'espoir de conjuguer les effets sur la prévalence du tabac. Mais le moins que l'on puisse dire au vu des chiffres ci-dessus, c'est qu'il reste encore beaucoup de travail !
P.S. L'image de ce billet provient de cette page du site https://solidarites-sante.gouv.fr