Le 28 juin je me suis rendue le soir à Gruissan car le village commence alors à se réveiller doucement aux couleurs de la Saint-Jean. U n impressionnant incendie avait démarré en fin de matinée à Opoul et e n milieu d'après-midi, en raison d'une épaisse fumée noire menaçant la visibilité des automobilistes, l'autoroute A9 avait été coupée dans les deux sens entre Narbonne et Perpignan. Je ne sais pas comment j'ai fait, j'ai pu passer vers 19 heures. Ma belle-fille qui est partie un peu plus tard a dû faire demi-tour, mais elle a pu nous rejoindre le lendemain matin.
D'abord nous avons mangé au Restaurant le Mazélie et pour faire honneur aux pécheurs j'ai commandé des moules.
Vers le milieu du XVIIIe siècle des pêcheurs de Gruissan trouvèrent au bord de la mer parmi les épaves d'un navire naufragé "une figure de proue" en bois, finement sculptée et peinte de diverses couleurs. C'était à n'en pas douter le buste de Saint-Pierre. Recueilli par l'église paroissiale, il devint aussitôt l'objet d'une vénération particulière : "le patron des pêcheurs". Il est probable que sa découverte soir à l'origine de la Fête des Pêcheurs à Gruissan.
En 1793 une décision du Conseil Général du Département ordonna la disparition de toute trace de fanatisme et envoya des démolisseurs dans l'église de Gruissan. C'était sans compter sur le caractère bien trempé des Gruissanotes qui s'opposèrent aux vandales et mirent le buste à l'abri dans la Prud'homie.
Ce tribunal décida de garder le buste, il y resta, il y est encore et n'en sort qu'une par par an le 29 juin. Une Gruissanaise (la belle-mère de mon fils) m'a raconté que quand on touche les clefs du paradis de Saint Pierre on peut faire un vœu . Je ne m'en suis pas privée.
La soirée est consacrée à l'hommage rendu à Saint-Pierre : à la nuit tombée place à la sérénade du réveil gruissanais devant chaque maison de pêcheur, on chante et on boit le pot de l'amitié offert par le pêcheur : chez l'un le muscat, chez l'autre le cidre. Cela dure jusqu'aux petites heures.
Le 29 juin le cortège se forme dans un ordre protocolaire : le drapeau de Saint-Pierre, les enfants, les musiciens, le buste de Saint-Pierre, les prud'hommes, les pêcheurs, les officiels et la population, et défile dans la rue principale jusqu'à l'église au son de la célèbre cantique.
L'offrande, dans l'église, elle se fait au son de "La Scottish". La symbolique de ce rituel est simple, le cierge allumé exprime la foi, la barque l'instrument de travail du pêcheur, et le pas de Scottish évoque le balancement des flots et la arche hésitante du marin sur son embarcation.
Les pêcheurs, puis ensuite chaque Prud'homme, participent à l'offrande au son de la Scottish, le cierge dans une main, la barque d'apparat dans l'autre ils esquissent les pas de danse de la Scottish en traversant l'église pour accomplir ce rituel cher à leur cœur. Un moment fort et émouvant.
La Scottish serait d'origine hongroise ou allemande, et non écossaise comme son nom pourrait le faire penser.
A la fin de cette cérémonie nous sommes sortis vite de l'église car il y faisait une chaleur de plomb et nous étions pressés de nous installer à une terrasse pour boire un rafraichissement. J'ignorais qu'à la sortie de l'église le cortège reprenais sa route vers le pont donnant vers l'Ile Saint-Martin où sont lancés de nombreuses fleurs en hommage aux disparus en mer.
Le cortège est passé ensuite dans la rue principale où nous avons pu l'observer de la terrasse.
J'ai emprunté le texte du livret que le Maire de Gruissan a remis à tous ceux qui ont assisté à la fête du village.