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Il y a plus d’une décennie, j’ai eu une conversation avec une personne issue d’un pays du Moyen-Orient. Il me déclarait la chose suivante : la corruption est un bon système. Ceux qui touchent les pots-de-vin mangent et nous font manger avec eux.
Cette affirmation est surprenante puisqu’elle provient d’un homme ancré dans la morale religieuse. Par la suite, au cours de conversations avec d’autres personnes, j’ai entendu des variations sur ce thème :
- Avec l’argent on peut tout se permettre.
- L’argent permet de gagner du temps.
Dans ces exemples, par argent, on sous-entend celui de la corruption.
Aussi, ceci m’a mené à une profonde réflexion dont je vous livre les grandes lignes. Auparavant, je voudrais faire quelques mises au point :
– La corruption dont il s’agit dans cette analyse concerne celle du quotidien. Est exclue, donc, la corruption de haut niveau. Je m’intéresse particulièrement à la corruption où des personnes payées pour effectuer des services gratuits ne le font que contre le bakchich. Je m’intéresse également aux personnes qui payent pour accéder à un privilège.
– La corruption est prise dans son ensemble et d’une façon générale. Aucun pays n’est visé particulièrement.
– Il est fait une distinction entre corruption et pourboire.
A – La corruption donne naissance à une infrastructure corrompue et immorale.
Il s’agit là d’une donnée essentielle qui est le point de départ de ma réflexion. Lorsqu’un fonctionnaire accepte de l’argent pour rendre un service qui est gratuit, ou lorsqu’il privilégie une personne contre de l’argent, il aura accompli un acte immoral.
Accepter ce genre de pot-de-vin, c’est vendre une partie de sa dignité, et de sa morale. Ces personnes corrompues perdent cette flamme qui permet d’accomplir un travail honnêtement. Ils ne réservent leurs services qu’à ceux qui les soudoient. Malheureusement, cette immoralité lorsqu’elle s’installe, affecte tous les aspects de la vie.
Progressivement, dans les pays concernés, s’installe une assise, une infrastructure, plus ou moins importante de personnes, non seulement corrompues et malhonnêtes, mais de fiabilité nulle. À un certain moment de l’évolution de la corruption en tant que système, la perversion de ces gens devient irréversible. Si, par la suite, on voulait lutter contre la corruption, cela devient impossible. Elle aura déjà remplacé le sérieux, la compétence, l’honnêteté. Elle devient l’unique réalité pour une majeure partie d’un pays. Tous les composants pour la dégradation progressive du pays sont présents.
B – Payer pour des services gratuits ; exclusion des plus vulnérables du système
Dans un système de corruption, bien que l’État propose des services gratuits, ce n’est plus le cas. Il n’est plus possible aux citoyens d’accéder à ce qui lui est dû sans payer. Les actes administratifs du quotidien, non seulement deviennent l’objet d’une surenchère de pots-de-vin, mais sont inaccessibles aux plus démunis qui se trouvent écartés d’une partie de la vie civile.
Dans les pays qui sont déjà sous-développés, toute une partie de la population se trouve ainsi exclue, en marge de la société, des soins de santé, de l’éducation…
Exclusion du système de santé
Si, être exclu de la vie administrative a des conséquences sérieuses, l’exclusion des personnes démunies de l’accès aux soins, est non seulement désastreux et inacceptable, mais source de problèmes de santé majeurs.
Dans un système basé sur la corruption, l’accès aux soins dans les hôpitaux publics financés par l’État est strictement pénible pour ceux qui ne payent pas pour des services, pourtant, gratuits.
Les maladies s’accumulent, des plus simples aux plus graves. Ils représentent un problème médical à retardement qui s’imposera, fatalement, à plus ou moins brève échéance. À ce moment il devient strictement difficile, voire impossible, d’y apporter la moindre solution.
Ainsi on verra :
– Prolifération de maladies historiques telles que le rhumatisme articulaire aigu avec ses conséquences cardiaques ; les enfants infirmes moteurs cérébraux avec leurs handicaps, les défaillances rénales, la prolifération des maladies contagieuses… Ainsi, un enfant atteint de valvulopathie induite par le rhumatisme articulaire aigu ne peut être traité que par une chirurgie que ces pays ne possèdent pas. Il en est de même des problèmes du rein qui réclament une dialyse quotidienne.
– L’incapacité de lutter contre des fléaux tels que les épidémies, de quelque nature que ce soit, bilharziose, tuberculose, Filariose…
Il ne s’agit là que d’un aperçu timide des problèmes de santé, leur nature diffère en fonction des pays.
On peut, également, y adjoindre l’incapacité des pays à corruption de lutter contre la famine, l’absence d’hygiène.
C – Un argent détourné pour des besoins personnels
Les richesses acquises par la corruption finissent par se concentrer entre les mains d’une partie de la population, les gens corrompus. Il s’ensuit le comportement suivant : comme ils ne peuvent justifier leurs richesses acquises malhonnêtement, ces personnes vont habilement les investir dans des choses souvent sans le moindre intérêt pour le pays. Construction de villas, investissements à l’étranger qui devient facile dans un pays corrompu, achat de bijoux, etc.
Cet argent échappe à la richesse de la nation, ce qui pourrait entraîner entre autres l’inflation, et son exacerbation par la baisse du pouvoir d’achat. En effet, beaucoup de personnes, au lieu d’acheter, graissent les pattes.
D – L’émergence de personnes incompétentes
Il arrive souvent que dans un système de corruption, personne n’accède à des postes par son mérite, mais par les montants de la corruption. Les gens méritants, les gens compétents, les gens sérieux, les personnes honnêtes se trouvent ainsi, soit au chômage, soit dans des postes subalternes.
La corruption appelle l’incompétence qui amplifie la corruption, qui amplifie de nouveau l’incompétence. Nous sommes presque dans une surenchère exponentielle de l’autodestruction.
E – L’impossibilité d’entreprendre les réformes et les projets
L’impossibilité de mener à bien des réformes et des projets découle de l’émergence de personnes incompétentes. Elle est directement influencée par l’ampleur de l’infrastructure corrompue.
Quelle que soit la volonté de l’État pour accomplir des réformes ou des projets, ils seront constamment détournés par des personnes qui ont perdu tout sens de la morale et avides d’argent. Que ce soit la réforme de santé, que ce soient les réformes d’éducation, que ce soit la réforme administrative, celles-ci ne resteront que lettre morte, dans le meilleur des cas. Souvent, ces réformes deviennent des sources d’enrichissement supplémentaire de personnes corrompues et déjà nanties.
Ceci a pour conséquence ce que j’ai déjà noté précédemment, le délabrement de la santé des citoyens qui ne peuvent accéder à des soins qui sont, pourtant, gratuits.
Même lorsque l’État effectue une campagne auprès du citoyen pour lui faire prendre conscience de ses droits, cela se traduirait par un échec. En effet, les personnes corrompues excellent dans l’art de détourner les bonnes intentions. À leur profit, bien entendu.
Le système d’éducation, à son tour, est touché avec une baisse de niveau. En effet, ceux qui vont gérer l’éducation des enfants sont eux-mêmes incompétents et monnayent cette incompétence. La conséquence qui en résulte en est des personnes jeunes, mal formées, mal éduquées, mal préparées à la vie civile ultérieure. De plus, ces jeunes exposés à la corruption ne rêvent que de leur revanche, une fois adultes. Et on sait quelle est cette revanche, plus de corruptions.
F – Une conséquence inattendue : la fuite des cerveaux et des personnes honnêtes
Une conséquence majeure à laquelle on ne pense pas est l’exil de toutes les personnes honnêtes et compétentes. Les personnes honnêtes, parce qu’elles ne peuvent adhérer à ce système, ou parce que le système corruptible les exclus, n’auront de solutions que de partir ailleurs. La raison qui les fait quitter leurs pays n’est toujours pas d’ordre économique. Il est dans la considération qu’on leur doit, voire dans l’humiliation qu’on leur fait subir. Ainsi, ces personnes éduquées, honnêtes, compétentes, ne peuvent supporter d’être bafouées par des individus incompétents et douteux. Pas plus qu’ils ne peuvent supporter de payer pour des soins que la nation leur fournit gracieusement. Ne pouvant s’adapter à ce système, leur quotidien devient calvaire. Le plus souvent, ils partent ailleurs, et ne reviennent jamais. La perte de confiance avec leurs pays d’origine devient, pour la plupart d’entre eux, irréversible.
G – En conclusion :
Le système corruptible, s’il permet de régler quelques problèmes de façon malhonnête et rapide, sur le moyen et le long terme se trouve désastreux et destructif.
C’est un système qui n’est plus viable et devient anachronique dans un monde qui évolue. Les derniers événements que nous avons connus, l’épidémie virale, la guerre en Ukraine ont pour conséquence l’établissement d’un mur entre les pays riches et les pays pauvres. En fait, il s’agit d’un écart entre pays de corruption, et pays de non-corruption.
Beaucoup de pays corrompus se trouvent exclus de la vie économique internationale. Aucune entreprise ne viendrait s’y installer, à moins d’exploiter leurs misères. Les grandes sociétés de services délaissent ces pays : services de messagerie, services bancaires, services de vente en ligne…
En effet non seulement le pays perd son pouvoir d’achat, il devient en plus non crédible. Aucune société de messagerie ne s’y installerait, puisque les colis s’en trouveraient, dans le meilleur des cas, retardés, le plus souvent détournés.
Et si d’aventure, ces pays voulaient s’en sortir, ils ne pourront jamais du fait d’une mentalité de corruption qui devient l’unique morale, et par manque de personnes compétentes et honnêtes pour mener à bien la réforme nécessaire. Ils ont déjà quitté le pays et n’y reviendront jamais.
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