Il y a 165 ans, naissait Cécile Louise Stéphanie Chaminade, le 8 août 1857 à Batignolles, village qui n’avait pas encore été rattaché à Paris. En 1865, la famille s’installe au Vésinet à une vingtaine de km au nord-ouest de la capitale. Ses parents ont eu 7 enfants dont 3 moururent en bas âge. Sa mère était une excellente pianiste qui décela de bonne heure les dons de sa fille. Son père directeur de la compagnie d’assurances Gresham maintiendra qu’elle doit être éduquée pour devenir une bonne épouse et une bonne mère. Aussi, il n’était donc pas question qu’elle fréquente le Conservatoire de Paris qui cependant avait une classe pour filles. Georges Bizet qui était un ami de la famille insista beaucoup pour qu’il la laisse suivre des cours à domicile, piano, harmonie et composition, avec les meilleurs professeurs. Ses parents recevaient beaucoup de musiciens et de compositeurs qui reconnaissaient son talent. Georges Bizet, son aîné de 19 ans, l'appelait son "petit Mozart ". Pour sa première communion, Cécile avait composé un O Salutaris. A vingt ans, elle profite d'une absence professionnelle de son père pour participer à un concert à l’ancienne salle Pleyel, un Trio de Beethoven. En 1878, elle donne un premier concert consacré à ses propres oeuvres, un trio dont le journaliste de l’hebdomadaire musical le Ménestrel dira que cette "pièce est écrite d 'une main déjà ferme et assurée et témoigne d'un savoir profond et sérieux. C’est le début de sa carrière de concertiste et de compositeur. Le 23 février 1882, ses parents organisent chez eux une audition de son opéra-comique en un acte, "La Sévillane" qu'elle accompagne au piano. On parle de le monter à l’Opéra-Comique, mais le directeur Léon Carvalho guère favorable à la présence de femmes refuse. Le 16 mars 1888, son ballet "Callirhoe", créé à Marseille, obtient un grand succès et sera représenté plus de deux cents fois, notamment au Metropolitan Opera de New York. Elle déclare "Mon amour, c’est la musique, j’en suis la religieuse, la vestale".
A la mort de son père pour assurer ses dépenses et celles de sa mère, elle entreprend des tournées de concerts qui la mèneront en Angleterre où elle se rendra régulièrement, la reine Victoria l'invitera à séjourner à Windsor. Dans les années 80, Cécile Chaminade donnera des récitals de piano dans toute l'Europe, Bruxelles, Berlin, la Hollande, la Suisse, jusqu'en Grèce et en Turquie, remportant partout un vif succès. Frantz Liszt aurait même dit : "Elle me rappelle Chopin".
Puis ce seront les États-Unis, le président Théodore Roosevelt l’invitera à déjeuner, et le Canada. Dans ces pays se créent des "clubs Chaminade", il y en aura plus de 100 au début du XXe siècle.
Malgré le succès, elle n’est pas épargnée par les critiques, telle celle du New York Evening Post après un de ses concerts au Carnegie Hall. "La musique de Chaminade a une certaine délicatesse et grâce féminines, mais elle est étonnamment superficielle et manque de variété…".
Entretemps, Cécile Chaminade s'était mariée au Vésinet le 29 août 1901, avec un éditeur de musique marseillais Louis-Mathieu Carbonel et elle devint veuve en 1907. Sa mère meurt en 1911.
Durant la Première guerre, elle dirige un hôpital londonien. Ensuite, c’est presque la fin de sa carrière de musicienne, elle ne donne plus de concerts et ne compose presque plus. "J’avoue que je ne m’adapte pas plus à la musique moderne qu’à l’art, la mentalité, la moralité de notre époque".
En 1925, elle quitte le Vésinet pour Tamaris près de Toulon puis en 1936, elle s’installe à Monte-Carlo, elle connaît de graves ennuis de santé et subira l'ablation d'un pied. Elle meurt le 13 avril 1944, est d'abord inhumée au cimetière de Monaco puis plus tard au cimetière parisien de Passy, 13e division.
Celle dont le musicologue Gérard Condé dira "Une écriture claire, aisée, mélodique sans vulgarité, rappelant Mendelssohn, avec quelques touches d'archaïsme parfois" sera officier d’académie en 1886, officier de l’instruction publique 1892, et faite chevalier de la Légion d’honneur en 1913.
Elle a composé près de 400 œuvres, dont 200 pièces pour piano, des suites pour orchestre, un opéra-comique, de la musique de chambre, 150 mélodies dont "L’anneaux d’argent" sur des poèmes de Rosemonde Gérard, l’épouse d’Edmond Rostand.
Elle n’est las la seule pianiste ou compositrice à avoir connu le succès et être tombée dans l’oubli, on pourrait en citer au moins trois de sa génération. Aujourd’hui, qui ose programmer lors d’un récital Mel Bonis, Clémence de Grandval ou Augusta Holmès?
Aliette de Laleu qui s’intéresse à cette question tant dans ses émissions sur France-Musique que dans son ouvrage "Mozart était une femme" suggère "Il y a beaucoup de choses qui expliquent le fait que les compositrices aient été effacées et oubliées. Il y a eu une forme d'écriture de l'histoire de la musique qui a effacé les femmes de manière plus ou moins consciente au XXe siècle. On s'est retrouvé avec des dictionnaires de la musique, des histoires de la musique où les femmes n'apparaissaient plus. Ça, ça a fait très mal".
Parfois, on retrouve Cécile Chaminade, c’est le cas en 2000, quand la mezzo-soprano suédoise Anne Sofie von Otter enregistre une sélection de mélodies pour Deutsche Grammophon. Mais le titre de l’enregistrement "Mots d’amour" est trompeur et laisserait croire que la compositrice s’est cantonnée à des des créations sirupeuses alors qu’il n’en est rien…
Une autre mezzo-soprano suédoise Sofi Jeannin s’attache à faire revivre Cécile Chaminade et déclare "Je l’ai programmé moi-même dans d'autres pays comme le Portugal, par exemple, et je vois que c'est une musique qui séduit les publics partout où elle passe. C’est important de continuer de montrer les ouvrages riches de ces femmes. Important pour moi et pour mes élèves, il faut montrer que dans l’histoire il y a les deux genres".
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