Fernando Pessoa – Que ne suis-je la poussière du chemin…

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Que ne suis-je la poussière du chemin,
les pauvres me foulant sous leurs pieds…

Que ne suis-je les fleuves qui coulent,
avec les lavandières sur ma berge…

Que ne suis-je les saules au bord du fleuve,
n’ayant que le ciel sur ma tête et l’eau à mes pieds…

Que ne suis-je l’âme du meunier,
lequel me battrait tout en ayant pour moi de l’affection…

Plutôt cela plutôt qu’être celui qui traverse l’existence
en regardant derrière soi et la peine au cœur…

*

Quem me dera eu fosse o pó da estrada
E que os pés dos pobres me estivessem pisando…

Quem me dera que eu fosse os rios que correm
E que las lavadeiras estivessem a minha beira…

Quem me dera eu fosse os choupos a margem do rio
E tivesse só o céu por cima e a água por baixo…

Quem me dera eu fosse o burro do moleiro
E que ele me batesse e me estimasse…

Antes isso que ser o que atravessa a vida
Olhando para tras de si e tendo pena…

***

Fernando Pessoa (1888-1935) (Alberto Caeiro)Le Gardeur de troupeaux (Poésie/Gallimard, 1987) – Traduit du portugais par Armand Guibert.