La bactérie responsable de la typhoïde est devenue de plus en plus résistante aux antibiotiques essentiels et ses formes résistantes se sont largement propagées au cours des 30 dernières années, alerte cette équipe d’experts de la Stanford University, qui mène ici la plus grande étude jamais réalisée de séquençage du génome de Salmonella Typhi (S. Typhi). Les scientifiques retracent ainsi l’émergence et la propagation de ces souches résistantes aux antibiotiques. Ces nouvelles données, présentées dans le Lancet Microbe, révèlent que les souches résistantes de S. Typhi se sont propagées entre différents pays au moins 197 fois depuis 1990. Enfin, si l’émergence de ces souches se produit le plus souvent en Asie du Sud et du Sud-Est, en Afrique orientale et australe, ces superbactéries sont aujourd’hui signalées au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada.
La fièvre typhoïde est une maladie bactérienne causée par S. Typhi qui se transmet par l’ingestion de boissons ou d’aliments souillés par les selles ou l’urine d’individus infectés. La maladie cause 11 millions d’infections et plus de 100.000 décès par an dans le monde, concentrés, à 70 %, en Asie du Sud. Les symptômes sont la fièvre, des malaises, des maux de têtes, une constipation ou une diarrhée, des taches rosées sur la poitrine et une augmentation de volume de la rate (splénomégalie) et du foie (hépatomégalie). La maladie aiguë peut survenir après une longue période à l’état de porteur sain. La fièvre typhoïde se traite par antibiotiques, avec un phénomène d’antibiorésistance donc de plus en plus fréquent.
L’émergence de souches multirésistantes de S. Typhi
Les antibiotiques peuvent être utilisés pour traiter avec succès les infections par la fièvre typhoïde, mais leur efficacité est menacée par l’émergence de souches résistantes de S. Typhi. Cependant, alors que la multirésistance aux antibiotiques de première ligne a globalement diminué en Asie du Sud, les souches résistantes aux antimicrobiens macrolides et aux quinolones, 2 des antibiotiques les plus utilisés en santé humaine, ont fortement augmenté et se sont largement propagées à d’autres pays. C’est ce que confirme l’analyse de plus de 7.500 génomes de S. Typhi, recueillie principalement en Asie du Sud, l’une des seules études basées sur un aussi large échantillon.
L’étude : précisément, c’est le séquençage du génome entier de 3.489 isolats de S. Typhi obtenus à partir d’échantillons de sang prélevés entre 2014 et 2019 auprès de personnes du Bangladesh, d’Inde, du Népal et du Pakistan, confirmées avec fièvre typhoïde et de 4.169 échantillons de S. Typhi isolés dans plus de 70 pays entre 1905 et 2018. Les gènes de résistance identifiés dans les 7.658 génomes séquencés ont permis de classer les souches comme multirésistantes (MDR) si elles contenaient des gènes donnant une résistance aux antibiotiques classiques de première ligne, l’ampicilline, le chloramphénicol et le triméthoprime/sulfaméthoxazole. Les scientifiques ont également retracé la présence de gènes conférant une résistance aux macrolides et aux quinolones. L’analyse révèle que :
- les souches résistantes de S. Typhi se sont propagées entre les pays au moins 197 fois depuis 1990 ;
- ces souches ont été signalées au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada ;
- depuis 2000, la prévalence des souches MDR de S. Typhi a diminué au Bangladesh et en Inde, et est resté faible au Népal (moins de 5% des souches typhoïdes), mais a légèrement augmenté au Pakistan ;
- la propagation des souches de S. Typhi résistantes aux céphalosporines de troisième génération, une autre classe d’antibiotiques d’une importance cruciale pour la santé humaine est décrite comme « rapide ».
L’auteur principal, le Dr Jason Andrews, de Stanford commente ainsi ces données : « La vitesse à laquelle des souches hautement résistantes de S. Typhi ont émergé et se sont propagées ces dernières années est extrêmement préoccupante et souligne la nécessité d’étendre de toute urgence les mesures de prévention dans les zones les plus à risque. Dans le même temps, le fait que les souches résistantes de S. Typhi se soient propagées à l’échelle internationale tant de fois souligne également la nécessité de considérer le contrôle de la typhoïde, et la résistance aux antibiotiques plus généralement, comme un problème mondial plutôt que local ».
Améliorer l’échantillonnage et le séquençage : la sous-représentation des séquences de S. Typhi de plusieurs régions, en particulier de nombreux pays d’Afrique subsaharienne et d’Océanie et la nécessité d’améliorer l’échantillonnage dans ces régions. Comme les génomes de S. Typhi ne couvrent qu’une fraction de tous les cas de fièvre typhoïde, les estimations des mutations à l’origine de la résistance et de la propagation internationale sont très probablement sous-estimées. Ces sous-estimations mettent en évidence la nécessité d’étendre la surveillance génomique
afin d’obtenir une photographie plus complète de l’émergence, de l’expansion et de la propagation des organismes résistants aux antibiotiques.
Source: The Lancet Microbe 21 June, 2022 DOI: 10.1016/S2666-5247(22)00093-3 The international and intercontinental spread and expansion of antimicrobial-resistant Salmonella Typhi: a genomic epidemiology study
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Équipe de rédaction SantélogAoût 5, 2022Équipe de rédaction Santélog