Une fenêtre grande ouverte
horizon d’un autre ciel
bleu et vide comme celui d’avant
similaire et lointain
Des vignes, un terrain délimité
rien d’inédit. Le quotidien
Des souvenirs se superposent
en un calque approximatif
Fou furieux de l’inconnu
tu as voulu tirer un trait
redistribuer les cartes
en subtiliser une ou deux dans ta besace
Laisser cet autre
ce compagnon de toujours
sur un coin de route
à la traîne
à des kilomètres de toi
Alors tu as pris tes cliques et tes claques
tu as tissé des frontières impossibles
entre ceux qui t’ont éduqué
inculqué le peu que tu sais
Tu as sciemment brouillé les pistes
abandonné ton église
le prêtre aimant le bon vin
les vieux amis
tous entortillés dans le même cordon un peu honteux
Ceux qui en un coup d’œil te disaient :
« Je sais qui tu es
inutile d’essayer de nous bluffer »
Alors, pris dans ta course à l’exil
à bout de souffle
espérant que chaque pas
t’éloignerait de moi
tu as tout essayé
pour planter le raté
l’enfant gâté
Celui qui toujours se planquait
entre deux sonneries de récré
et qui affiche à présent
sa casquette et son cuir d’aventurier
comme autant d’accessoires
de pastiches du théâtre mourant
Trop lourd à porter
ton sac à dos décoratif
t’étrangle à défaut de te maintenir
le dos bien droit, le regard fier
un pied devant l’autre
des crêtes en dents de scie
le panorama te nargue
Ironie sublime
la brume masque l’avenir
même cette récompense te fuit
Un bâtard te reconnaît
ange gardien de ce rien que tu cultives
le vide de part et d’autre
et partout, sur les panneaux indicateurs
mon bon souvenir
Pour Jean-François Jacq
***
Grégory Rateau (né en 1984 à Drancy) – Conspiration du réel (Editions Unicité, 2022)