Rami Elhanan est juif israélien. Bassam Aramin musulman palestinien. Smadar avait treize ans lorsqu’elle a été tuée par un kamikaze palestinien qui s’est fait exploser dans son dos. Abir avait seulement dix ans lorsqu’elle est morte touchée à la tête par une balle en caoutchouc tirée par un soldat israélien de 18 ans. Au-delà de la colère et de la vengeance, les deux pères vont s’unir dans le deuil et militer au sein des Combattants pour la Paix dans l’espoir d’une coexistence pacifique entre ces deux peuples qui entretiennent un quotidien fait de peur et de souffrance.
En partageant l’histoire d’amitié et la lutte pacifiste de ces deux pères endeuillés et partisans de la paix, Colum McCann montre l’unique voie qui permettra de sortir de cet engrenage sanglant, tout en restituant ces petits détails du quotidien qui entretiennent continuellement ce climat de peur et de haine. Des Israéliens qui vivent dans le peur de l’attentat, espérant que le destin épargnera leurs proches à chaque nouvelle explosion, aux Palestiniens qui doivent accepter les restrictions de leur liberté tout en gardant leur calme lors des fouilles corporelles arbitraires et des interminables files aux nombreux check-points, l’auteur pointe du doigt un quotidien oppressant et particulièrement explosif.
Au-delà du récit de ces deux pères, Colum McCann livre un roman hybride, kaléidoscopique et fragmenté, parsemé de digressions et de sauts temporels, collant parfaitement au titre de l’ouvrage et à la complexité du conflit qu’il tente d’éclairer. Du dernier repas de François Mitterrand à la migration des nombreux volatiles qui survolent Jérusalem chaque année, en passant par des digressions historiques, philosophiques, musicales, poétiques, géographiques, politiques ou religieuses, l’auteur multiplie les angles d’approche et parsème son ouvrage d’anecdotes et de micro-récits qui font toute la richesse de ce roman.
Divisé en 1001 chapitres, clin d’œil aux célèbres contes des mille et une nuits, numérotés de 1 à 500 puis de 500 à 1, avec une double section à 500 qui constitue le cœur du récit, « Apeirogon » est un roman exigeant, singulier, instructif et nécessaire, d’une richesse et d’une justesse incroyable.
Apeirogon, Colum McCann, Belfond, 512 p., 23€
Elles/ils en parlent également : Maeve, Mumu, Anthony, Kitty, Eve, Cannetille, Charlotte, Michel, Eléonore, Folavril, Jean-Pierre, Sabine, Mélanie, Diacritik, Baz’art, Sandrine, Brice