'Tootsie' Made Me Realize I Was a Judgmental Jerk
Dustin HoffmanQue ne ferait-on pas pour trouver du boulot ? L'acteur Michael Dorsey n'a pas sa langue en poche et s'oppose souvent aux idées des metteurs en scène, ce qui n'est pas fait pour plaire. Et puis il n'est plus tout jeune, ce qui fait qu'il n'a plus été vu sur une scène new-yorkaise depuis longtemps. Pour que cela change enfin, il se rend en désespoir de cause à un casting de comédie musicale, déguisé en femme, et obtient effectivement le rôle tant convoité. Mais les problèmes ne font que commencer, car il y a aussi Sandy, son amie on-off névrosée, Ron, le metteur en scène machiste, Max, la star de télé-réalité racoleuse, Julie, sa collègue séduisante ... sans oublier son nouvel alter ego : Dorothy Michaels !
Depuis 1982, la comédie travestie délicieusement drôle de Sydney Pollack Tootsie (que l'on pourrait traduire par chouchou) qui évoque les absurdités du show-business, le rapport aux rôles sexuels et les péripéties d'un homme qui ne devient meilleur que lorsqu'il est une femme — sur les planches d'un théâtre tout au moins. En 2018, ce classique primé aux Oscars, — avec Dustin Hoffman dans un rôle de premier plan et Jessica Lange qui avait remporté l'Oscar de meilleure actrice dans un second rôle, — a été transposé par David Yazbek et Robert Horn en une comédie musicale entraînante qui a été le succès de l'année 2019 à Broadway (primée par un Tony Award) et que le Gärtnerplatztheater présente maintenant en exclusivité à Munich en première européenne !
Tootsie est le spectacle de fin de saison du Theater-am-Gärtnerplatz, le théâtre populaire de Munich qui termine en feu d'artifices pour ce spectacle explosif, drôlissime et tonitruant. La troupe du théâtre remporte un succès énorme et fait salle comble alors qu'en ces temps de pandémie et d'inflation galopante où nombre de salles de spectacles, et des plus renommées, restent avec des invendus.
La transposition de Tootsie du cinéma au théâtre a connu certains ajustements, dont le principal est le changement de métier de Tootsie : personnage de série télévisée au cinéma elle de vient actrice de théâtre dans la comédie musicale, elle joue le rôle de la nourrice de Juliette dans une version trash de Roméo et Juliette. La transposition est entièrement réussie, sauf peut-être sur le plan musical : la composition de David Yazbek est certes très entraînante mais ne parvient pas à rivaliser avec l'excellente musique du film. Mais, au Gärtnerplatztheater, le jeune et fougueux chef Andreas Partilla mène l'orchestre tambour battant et l'entraîne dans un rythme endiablé en déployant un kaléidoscope musical des plus varié et haut en couleurs.
La mise en scène de Gil Mehmert colle parfaitement au rythme de la musique. Les scénographes Karl Fehringer et Judith Leikauf restituent l'atmosphère newyorkaise des années 1970 en faisant grand usage de la technique du plateau tournant et de ses possibilités d'ascenseur : non seulement le plateau tourne mais il peut aussi en tout ou en partie s'élever vers les cintres ou s'abaisser dans les dessous. Ainsi des appartements du premier étage qui descendent en rez-de chaussée ou inversément. Les décors tournent, virevoltent, montent et descendent ! Le metteur en scène a travaillé de concert avec le chorégraphe Adam Cooper pour de nombreux passages dansés qui animent encore davantage la production. Gil Mehmert a un sens consommé du positionnement et de la circulation des protagonistes et de la troupe. La musique, la danse et la comédie sollicitent constamment l'attention.
Daniel Gutmann (Max Van Horn), Armin Kahl (Michael Dorsey / Dorothy Michaels),
Bettina Mönch (Julie Nichols), Ensemble © Jean-Marc Turmes
L'interprétation est époustouflante. Armin Kahl réussit superbement la double composition du personnage principal (Michael Dorsey / Dorothy Michaels) avec un travail sur la voix remarquable qui ne tombe jamais dans le travesti mais reste à tout moment authentique. Julia Sturzlbaum joue avec talent et le rôle de Sandy Lester, paumée hystérique toujours au bord de la crise de nerfs. Bettina Mönch interprète avec finesse la sentimentale Julie Nichols. Alexander Franzen incarne en force le très explosif metteur en scène Ron Carlisle dont l'ego dominateur ne souffre aucune contestation. Gunnar Frietsch réussit une remarquable composition du barman déjanté Jeff Slater qui semble vivre avec une gentille douceur dans un monde alternatif et parallèle. Daniel Gutman est très comique en amoureux athlétique, acrobatique et fougueux. Enfin, Dagmar Hellberg interprète avec autorité la puissante productrice Rita Marshall, devant laquelle même le metteur en scène Ron Carlisle doit s'incliner.
Pour son dernier spectacle de la saison le Theater-am-Gärtnerplatz nous a offert une soirée extrêmement divertissante et enjouée que le public a saluée par une tempête d'applaudissements et une standing ovation.