Deux textes de Maurice Blanchard (éd. Pierre Mainard)

Publié le 25 juillet 2022 par Onarretetout

LES VOIES LACTÉES

Je fais ma lumière moi-même, ma lumière, mon obscurité. Et le grand vent venu du Sud-Ouest ne peut l’éteindre. C’est un monde entre mon pouce et mon index. Les charbons ardents sont le silence même. La souffrance, c’est l’eau dormante, le bon sens, l’humanité.
« Io non so ben ridir com’io v’entrai » mais je puis très bien dire comment je sortirai. Le volcan a craché ses fantômes : la rivière, en ruban de givre, a gravi la plus haute montagne pour jouer avec le soleil et le soleil est un gros chat familier qui pose sa patte de velours sur la main de son maître.
Nous autres les morts, nous autres les rubans de lait, enlaçons l’homme qui souffre. Le rameau hanté danse au bord du gouffre et demain c’est « toujours ».
Voici enfin la nuit que j’aime, et qui chante.

(in « Le monde qui nous entoure » - 1951)

VITA NUOVA

Un sommeil d’enfant, l’eau d’une source neuve où jamais un chien n’est venu laper, ce miroir jamais terni par une présence et le coeur sans rides, c’est le temps qui glisse en silence dans l’herbe toujours verte.
Au souffle de l’aurore, l’ombre se déroula et mangea les pierres. À la surface des eaux une huile diaprée étendit sa douceur et son or. Revenu d’un long voyage au pays de l’oubli où j’atteignis le bonheur dans la nuit vivante du sommeil, je me retrouvais devant les portes étincelantes du matin, ses pavés d’or et ses pures colonnes.
Depuis toujours le matin cheminait dans les cimetières gelés. Par la vitre du refuge, j’ai vu tes yeux.

(in « L’offrande » - 1953)