Air de la solitude a été édité en 1945. Il s'agit d'un recueil de trente-sept textes en prose poétique, qui, à l'exception d'un seul, ont paru en revue entre 1930 et 1944, illustrés de photos en noir et blanc, reproduites dans cette édition, hormis une seule qui a été égarée, et remplacée pour l'occasion.
Gustave Roud est un promeneur solitaire, peignant les paysages parcourus qu'il écoute et regarde, sensible à la parenté du pouvoir des paysages avec les puissances de la musique, et disant les travaux des hommes parmi lesquels, davantage que dans les lieux déserts, se trouve l'absolu de la solitude.
Dans ce recueil, parmi les plus importants qu'il ait écrits, des thèmes qui lui sont chers reviennent sous sa plume:
- La compréhension de quelque chose ou de quelqu'un n'est possible qu'à condition d'abord de profondément ressembler: Car je suis guéri, n'est-ce pas? Je ressemble.
- La mémoire d'homme est quelque chose d'unique: Le sel très pur lentement déposé par la houle temporelle... et dicte mystérieusement au promeneur, parmi le tourbillon léger de la marche, une phrase née d'autrui, prose ou poème, lorsqu'il y a une secrète parenté du paysage avec elle.
- La plénitude n'est pas tant peut-être une abondance qu'un accord: C'est un échange de réponses, un concert où chacun ne chante que soi, mais l'oreille nourrie du chant des autres.
- Les saisons sont importantes pour lui: Je crois aujourd'hui qu'il y a deux espèces d'hommes: ceux qui "meurent sur les saisons" (pour reprendre la mystérieuse parole de Rimbaud), et ceux qui vont sans les voir ni les vivre.
- L'univers balbutie ses messages: Je crois que seuls certains états extrêmes de l'âme et du corps: fatigue (au bord de l'anéantissement), maladie, invasion du coeur par une subite souffrance maintenue à son paroxysme, peuvent rendre à l'homme sa vraie puissance d'ouïe et de regard.
Écouter et regarder, ces deux attitudes essentielles pour Roud, peuvent se résumer à voir. Dans cette acception, les hommes pourraient, par exemple dans les conditions précédentes, formuler, comme lui, une réponse interrogative à la question existentielle qu'ils se posent depuis leur apparition ici-bas:
Certaine hantise du Ciel n'est-elle pas née d'une secrète impuissance à voir ce monde-ci, tandis que si nous savions le voir, il deviendrait pour nous le Ciel?
Francis Richard
Air de la solitude, Gustave Roud, 208 pages, Zoé
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