1 million de personnes pourraient mourir d’un cancer chaque année en Afrique subsaharienne d’ici 2030 si aucune action n’est entreprise, alerte ce consortium d’experts dans le Lancet Oncology. Un bilan très complet qui documente l’urgence mais établit une feuille de route pour atteindre les objectifs de réduction d’un tiers des décès de maladies non transmissibles d’ici 2030.
Parmi les conclusions très préoccupantes :
- Les décès par cancer en Afrique subsaharienne devraient doubler, passant donc à 1 million de décès par an d’ici 2030 ;
- l’incidence du cancer devrait passer à 1,4 million de (nouveaux) cas par an, faute d’interventions rapides ;
- 1 femme sur 7 -soit 14 % des femmes d’Afrique subsaharienne- risque de développer un cancer avant l’âge de 75 ans, le cancer du col de l’utérus et le cancer du sein étant les principales causes de décès par cancer ;
- D’ici 2050, la moitié des cas mondiaux de cancer infantile pourraient survenir en Afrique;
- 38 % des femmes africaines abandonnent leur traitement de cancer du sein.
C’est d’abord sur le manque d’observance des traitements que porte cette alerte
et ce bilan, menés au Sidney Kimmel Comprehensive Cancer Center de la Johns Hopkins University (Baltimore). L’étude appelle plus largement à l’amélioration de l’accès aux soins contre le cancer, à la prévention, au dépistage et au diagnostic et propose un plan de contrôle national pour chaque pays d’Afrique subsaharienne.
Un bilan plus que préoccupant :
- les décès annuels par cancer en Afrique subsaharienne pourraient atteindre 1 million d’ici 2030 vs 520.000 décès par cancer en 2020 ;
- l’incidence du cancer devrait atteindre plus de 1,4 million de cas par an ;
- 4,2 % des nouveaux cas de cancer dans le monde se sont en Afrique subsaharienne en 2020 ;
- contrairement aux États-Unis et en Europe, les femmes sont plus touchées par le cancer que les hommes en Afrique subsaharienne (139 vs 119 cas pour 100.000) ;
- les cancers du sein et du col de l’utérus sont les types de cancer les plus courants dans la région ;
- la prévalence des cancers pédiatriques dans la région dépasse 56 cas par million et, en 2050, la moitié des cancers pédiatriques mondiaux pourraient se produire en Afrique.
Quels facteurs combattre en priorité ? les facteurs de cette « épidémie » de cancers en Afrique subsaharienne comprennent les infections, les expositions environnementales, le vieillissement de la population, l’adoption croissante de modes de vie occidentaux, les problèmes d’infrastructure, la pénurie de personnels qualifiés, de laboratoires et équipements de diagnostic, de traitements et de prévention. A ces déficiences structurelles vient s’ajouter une observance insuffisante des patients traités pour un cancer à stade avancé ainsi qu’une méconnaissance généralisée des facteurs de risque de cancer.
« La pandémie de COVID-19 a exacerbé ces facteurs, aggravant une situation déjà désastreuse ».
Une feuille de route à suivre : le consortium d’experts nationaux et internationaux, composés de chercheurs et de cliniciens, propose une feuille de route à destination des gouvernements et les organisations non gouvernementales pour accroître l’accès aux soins, accélérer la prévention et augmenter la survie au cancer en Afrique subsaharienne.
« L’inaction a des conséquences dramatiques
sur les taux d’incidence et la mortalité par cancer en Afrique subsaharienne. Bien que la liste des obstacles entravant une lutte efficace contre le cancer dans la région soit longue, la mise en œuvre et la tenue de registres du cancer, de plans de lutte contre le cancer, de programmes de dépistage et de détection précoces, l’intégration des soins palliatifs dans le parcours de soins contre le cancer sont des interventions particulièrement critiques. La mise en œuvre de la télémédecine et des nouvelles technologies pourrait permettre d’améliorer la formation des personnels spécialisés en oncologie et accélérer la recherche sur le cancer.
Il existe des solutions pour la lutte contre le cancer en Afrique ».
L’urgence de lutter contre les cancers de la Femme : une autre étude du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), confirme le cancer du sein et du col de l’utérus comme les formes de cancer les plus fréquentes en Afrique. Le cancer du col de l’utérus est ainsi responsable de la plupart des décès par cancer (1 décès sur 100) et reste la principale cause de décès par cancer chez les femmes dans 27 pays d’Afrique.
La quasi-absence de programmes de prévention du cancer dans la région participe à la charge élevée de morbidité, et lorsque de tels programmes sont mis en œuvre, les taux de participation restent inférieurs à 50 % voire aussi faibles que 10 %, dans ces pays d’Afrique subsaharienne. Ainsi, la sensibilisation et l’éducation se heurtent à des facteurs socioculturels, notamment à des croyances traditionnelles. Enfin, des maladies infectieuses dont l’infection au HPV, mais aussi le tabagisme, la consommation d’alcool, un apport calorique excessif peuvent contribuer à expliquer ce fardeau des cancers. En particulier, les taux d’obésité, qui ont considérablement augmenté au cours de ces 30 dernières années. Mais aussi le tabagisme qui devrait augmenter de 41 %, passant de 12,8 % en 2010 à 18,1 % en 2025 sur l’ensemble du continent africain.
Quelques progrès cependant sont relevés, par exemple, la mise en œuvre par le Rwanda du programme national de vaccination contre le HPV.
La sensibilisation et l’éducation restent une priorité : les connaissances et les attitudes de la population concernant les facteurs de risque de cancer sont essentielles pour réduire le fardeau du cancer en Afrique subsaharienne. Des campagnes de santé publique vont donc être nécessaires pour sensibiliser la population aux facteurs de risque et pour dissiper les croyances erronées.
L’abandon des traitements reste enfin une cause majeure de mauvais résultats de survie. A titre d’exemple chez les patientes atteintes d’un cancer du sein non métastatique nécessitant une chimiothérapie, le traitement a été initié dans les 3 mois chez 66 % des patientes diagnostiquées mais n’a été achevé que par 35 % des patientes traitées. L’abandon du traitement est également un facteur clé des faibles taux de survie aux cancers pédiatriques.
Les coûts élevés des traitements et la pauvreté sont des obstacles majeurs à l’accès au traitement en Afrique subsaharienne et il est urgent que les politiques puissent garantir aux patients un accès plus rapide et plus équitable aux médicaments anticancéreux.
Ce large bilan documente ainsi avec précision l’urgence de la lutte contre les cancers en Afrique et apporte une feuille de route aux décideurs pour infléchir la courbe et tenir les objectifs de développement durable des Nations Unies : soit une réduction d’un tiers des décès de maladies non transmissibles d’ici 2030.
Source: The Lancet Oncology 9 May, 2022 DOI: 10.1016/S1470-2045(21)00720-8 Cancer in sub-Saharan Africa: a Lancet Oncology Commission
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Équipe de rédaction SantélogJuil 24, 2022Équipe de rédaction Santélog