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L’album aux écureuils. Ou comment j’ai fait ma réserve de recueils Spirou.
Par Hectorvadair @hectorvadairUn apercu des fameuses pages de garde "aux écureuils" des recueils Spirou, utilisées aussi sur les premiers albums années 50.
Les Trois lacs : origines
C’est l’heure, avec les autres enfants, nous savons que c’est l’heure. Est-il 13 h ? 15 h ? est-ce après la sieste légendaire que chaque enfant en bas âge a connu durant une période de sa vie ? Je ne me souviens plus. Nous, nous avons une dizaine d'années, savons bien sûr lire, et nous précipitons de tous les coins du camping, vers son centre, sur le grand terrain central en herbe où se dresse le petit chalet, sur son côté droit, à l’ombre. C’est là que, après avoir grimpé quelques marches en bois branquignoles, nous allons accéder au graal : la bibliothèque du club des cinq ! Enfin, c’est ce à quoi elle pourrait ressembler dans mon imaginaire de jeune pré ado lecteur, habitué depuis mes sept ans des revues catholiques de bande dessinées familiales Perlin Pinpin, Fripounet, Formule 1, et des récits de Rahan, des Pieds nickelés, Bibi et Fricotin, de Lucky Luke, Tanguy et Laverdure, ou Pif gadget, que je découvrais chez mes grand parents lors de nos voyage familiaux en Savoie. La scène se passe justement là-bas, au camping des trois lacs, dans la commune de Pont de Beauvoisin, où nous étions ma famille et moi en vacances en 1980.
Le propriétaire, Mr Abeille, en plus de bien d’autres inventions de son cru (*), met à disposition ce chalet bibliothèque, tout en bois, gratuitement à l’ensemble de ses campeurs pour le bonheur de tous et surtout des enfants. Imaginez : dans mon souvenir : des murs entiers d'étagères garnies de bande dessinées et de livres en tout genre, une banque d’accueil et de prêt, et au moins un divan hors d’âge, afin de commencer la lecture, pour ceux qui n’auraient pas la force de se retenir. Je me souviens repartir avec des Spirou et Fantasio millésimés fin des années soixante – années 70, des Génial Olivier, des Bouloubouloum et Guili Guili sans doute, et plus certainement des Barbe noire et le vieux Nick, ultime découverte et satisfaction garantie à l’époque. Des éditions souples Dupuis pour ces derniers, de celles qui marquent la rétine et les sentiments.
Ma relation charnelle avec les albums recueils de Spirou remonte donc à cette expérience, à ce souvenir. Une originalité, une aubaine et des sensations qui sont restées profondément gravées dans ma mémoire. Nous devions, avec les autres lecteurs, choisir puis signaler au bibliothécaire vacataire qui s’occupait à certaines heures de cette bibliothèque peu commune les albums que nous avions choisi. Il s’agissait pour beaucoup d’albums brochés ou cartonnés, des grands classiques franco-belges. Et, si je me souviens bien, nous n’avions le droit que de consulter sur place (cela se comprend un peu après recul), les fameux recueils Spirou, que je feuilletais avec goût et frénésie, installé dans le vieux canapé défraichit posé à l’entrée.... Après deux années â venir dans ce camping, plus jamais je n’y remis les pieds. Dommage. Il a depuis changé de propriétaire, et a complètement évolué. Qu’est devenue la bibliothèque après l’installation d’une piscine au milieu du parc ? mystère...
Ce souvenir est seulement l’un de ceux qui ont jalonné mon enfance, puis mon adolescence, avant que je ne décide volontairement de faire de la bande dessinée un élément essentiel de ma vie d’adulte. Je suis né le 07 août 1969 à Grenoble, Isère, et mes parents, originaires tous deux de Savoie Isère - mon père de Domessin et ma mère de Pont de Beauvoisin - émigrèrent tous deux à Roanne, après un bref passage à Lyon en 1970, pour raisons professionnelles. Nous allons retourner assez régulièrement en Savoie à l'occasion des petites vacances, de la Toussaint et des fêtes de Noël... occasions où nous aurons l'opportunité, mes frère et soeur, de profiter à deux reprises des bienfaits de la marraine de mon frère aîné Patrick. En effet, réalisant régulièrement des extras dans un restaurant situé à proximité de chez elle, elle eu l'occasion de récupérer des dizaines de bandes dessinée Dargaud, qui avaient été jetées à la poubelle par une famille dont les enfants ne semblaient porter que peu d'attention à leurs affaires. Je réalisais que celles-ci étaient en effet en mauvais état pour la majorité, mais bien des années plus tard, alors qu'enfant, je n'avais rien remarqué, occuper à me gaver de ces histoires et albums, (certains sans couverture) tombés du ciel. Après on se demande d'où vient cette propension à accumuler et en vouloir toujours plus...(Les plus curieux liront ma précédente note de septembre 2016 sur cette grosse découverte de la BD franco-belge dans mon enfance : http://leblogd-hectorvadair.blogspot.com/2016/09/lucky-luke-70-ans-deja-jai-connu-quatre.html)
Collège Après une relation adolescente avec Spirou grâce à la lecture d’une grosse collection de fascicules des années quatre-vingt du papa d’un copain de collège (années 81-82...aaah le Spirou de Chaland ! Aaah les petits tickets à collectionner pour avoir le lot de cartes postales reproduisant justement les couvertures de recueils...aaah le poster western de Jijé à monter en quatre parties...), puis mon propre abonnement à la revue en 1985 (numéros 2475 au 2502), avant de m'en désintéresser, je ne retrouvais le contact de ces albums recueils particuliers seulement qu’en 1994, à l’occasion de mon année de formation professionnelle à Saint -Etienne, comme agent de développement culturel.
La Banque du livreLà, à chiner en fin d’après-midi dans les ruelles du quartier des hauts de la place du peuple, je découvrais la Banque du livre, une caverne d’Ali baba pour tout amateur de vieux papiers. Des reliures Spirou, il y en avait, mais tellement et de toute époque que je n’ai pas su où commencer et quoi prendre, d’autant plus que je n’avais sans doute pas le budget pour des ouvrages, pensais-je réservés aux (vrais) collectionneurs... Entendons-nous : à 25 ans, j’étais déjà acheteur régulier de BD et de disques, mais pas encore l’amateur éclairé que je suis devenu. Ces appels (du pied) de reliures sont donc restés lettre morte pour moi, qui leur ai préféré les plus rock’n’roll et vintage revues Vampirella, que j’avais commencé à rassembler, entre autre grace à cette boutique et le web. Dans une petite pièce réservée aux amateurs, par laquelle il fallait accéder par un escalier en colimaçon, le patron mettait en effet à disposition un U d’étagères remplies de ces revues des années soixante-soixante-dix....Internet fit le reste.
Emmaüs
Et puis...c’est arrivé un dimanche matin j’imagine, ou un samedi de 2013 ?, soit environ dix ans plus tard, où nous nous étions fixés, ma petite famille et moi une petite balade découverte dans le capharnaüm rigolo de cette grande brocante couverte qu’est l’Emmaüs Roanne-Mably. Et là, alors que je rentrais dans la pièce consacrée aux livres et revues : bing, une reliure du journal Spirou qui me tend les bras. Et pas n’importe laquelle, la 88, de 1963. Celle avec le manège et Spirou regardant son ami Fantasio comateux en train de tomber de son cheval Carrousel. Autant dire une sacrée trouvaille, pour... 4 malheureux euros.
Je ne sais si mon deuxième achat de recueil s’est fait à peu près à la même période ou pas, à deux trois ans près, mais la seconde occasion s’est trouvée dans une boutique éphémère de notre ami Gérard Marchand, disquaire libraire d’occasion bien connu des roannais ayant chinés au centre-ville ou sur les salons entre les années 90 et 2017. C’était rue de Beaulieu et sur une étagère haute derrière son comptoir, aux cotés de bacs de vinyles et de bacs de BD où des histoires du monde de chez Larousse m’avaient fait de l’œil, cet album 139 de 1975 avec la Ribambelle en couverture finit dans mon sac, pour 8 euros. Un recueil symbolique, car correspondant presque pile poil à mes lectures d’enfance de la revue.
« Et puis je vous dis... Zut ! » la piqûre de rappel.
En 2016 ( ?), une autre occasion exceptionnelle me fit me replonger dans cette quête un peu particulière. Un professeur collègue de ma sœur Christine démangeait, et se séparait gracieusement d’une collection de veilles revues Tintin. Il me proposait donc de passer afin de les récupérer. Rendez-vous pris chez le collègue, me voilà avec une malle en balsa remplie de revue des années...60 !! Quelle aubaine. Et au milieu de cette belle collection de fascicules Tintin, déjà improbable en soit, une reliure presqu’intact de Spirou. Et pas n’importe laquelle : la 70 avec superbe couverture de Franquin, représentant le conte de Champignac, en pyjama de soirée, devant le portail de son château, face à une voiture tous phares allumés, une masse en bois à la main. (Le fameux épisode « Peur au bout du fil » de 1959). Rien que pour cette couverture cartonnée aux tons rouges et bleus, j’aurais vendu mon âme 😉 Alors certes, la reliure était séparée des fascicules, qui eux-mêmes n’étaient pas tous complets - seulement à une page près - que je pu reproduire en impression. Non, le souci était juste que, par un hasard que l’on retrouve assez souvent dans des collections qui ont « vécues », c’est que la couverture ne correspondait pas aux numéros présents, à part deux trois fascicules éparpillés de l’année 59, qui avaient par je ne sais quel hasard, survécu à ce charivari 😊
J’avais donc concrètement une couverture 70 avec un contenu de fascicules correspondant à la reliure... 45 de 1953 !! Encore mieux, en fait, car plus ancienne de 6 ans !! Il me suffit de sortir à l’impression le bon premier plat de la couverture (1), la placer dans le revêtement plastique que j’avais opéré juste avant, et le tour était joué.... Je retrouverai le vrai 70 un peu plus tard, en TBE pour le prix d'un album de bd courante neuf.
Et si on allait plus loin ?La formidable volupté des années cinquante...J’aurais pu en rester là, mais, cela commença à me turlupiner. Je me dis que ces vieilles revues au papier épais découvertes fortuitement à cette occasion auraient pu être complétées sur cette année-là, au moins afin d’avoir l’histoire complète de Spirou... Et puis d’autres séries un peu plus récentes, difficilement disponibles sous forme d’album cartonnés à prix corrects (édités, épuisés... comme Isabelle de Will et Franquin par exemple, ou les Guérilleros de Jesus Blasco), auraient pu aussi en profiter. Je me fis donc la réflexion qu’il ne serait sans doute pas plus bête d’acheter d’autres recueils de la revue, où ces histoires avaient été prépubliées, ce qui me permettrait par la même occasion d’avoir sous la main d’autres histoires inconnues (ah le plaisir de la totale découverte), et de compléter aussi au passage d’autres séries d’enfance dont je n’avais jamais lu la suite et fin. Je commençais donc, grâce à internet et les sites spécialisés autour de la revue et ceux de ventes d’occasion : Le bon coin, Ebay, Rakuten... une chasse en bonne et due forme.
Démarrage avec le 117 de 1970 (pour les Guerilleros), le 129
(superbe couverture Natacha), le 151 ( ...) Puis, fortuitement, au cœur de l’année 2020, l’information
comme quoi le « nouveau » site Vinted, spécialisé dans la vente de vêtements d’occasion permet aussi la vente de livres et de BD pour pas cher me provient via les réseaux sociaux. Ni une ni deux : je m’enquiers de ce que l’on peut y trouver, (vieux Tintins, que je collectionne déjà avec des éditions des années cinquante, cherchant à davantage remonter le temp en édition « originale », puis recueils Spirou donc...etc.). Et là, effectivement, c’est le jackpot, puisque d’anciens se délivrent de leurs collections, ou bien des enfants se séparent de celles de leurs parents/grands parents. Et la Belgique est assez présente, avec quelques pièces intéressantes à des prix tout à fait abordables. La chasse est ouverte, et elle ne va s’arrêter que lorsque les années 51-64 auront été rassemblées, tout du moins en partie.
Reliure, pages de garde, suppléments, édition belge, française ?...Au départ : que choisir ? de belles couvertures de Franquin à prix épatant ? ou bien des recueils me permettant effectivement de compléter mes séries, quelle que soit la couverture ? Le dilemme est prégnant, et il va falloir une organisation sans faille pour arriver à collecter les informations, repérer les albums essentiels, comparer les meilleures offres, vérifier les états à distance de ces recueils, comprendre la signification des suppléments, la différence entre journaux seuls (plus grands car non massicotés, et si agréables au toucher (en tous cas pour les plus anciens des années 40-50), ou compilés en recueils (fascicules invendus au départ et donc souvent sans suppléments ou pages spéciales)... etc.
Une formation en accéléré qui a pu se faire grâce à certains sites très bien fait, d’amateurs éclairés et partageurs, et ma passion combinée du médium et de l’informatique. (2)
Roanne caverne d'Ali baba ?Et puis, en fréquentant mes amis bouquinistes locaux, une autre belle opportunité se fait jour le 16 juin 2021 : un très beau spécimen de recueil #44 (année 1952), en état magnifique, vendu à un prix tout à fait correct vu les cotes pratiquées ailleurs. Et pour aller avec : un carton complet d'une collection de numéros suivis allant de 1947 à 1953 !
De quoi se régaler, là encore à prix "d'ami" comparé aux cotes des professionnels habituels. C'est dans une de ces boutiques que je fais aussi la connaissance en octobre de la même année de "Globus", un trentenaire roannais venant de débarrasser avec un ami un papi décédé, et qui vient proposer un tas de revues BD anciennes, des années trente à 70, dont des Spirou. Bien que laissant passer un peu de temps, j'ai pris tout de même contact, et quelques mois plus tard, le 24 décembre exactement, coup de fil pour me proposer le carton restant, de 280 numéros de Spirou, des années 50 à 70. Et cela en plein centre de Roanne, c'est à dire à deux pas de chez moi. Je ne ferai pas l'affront de dire le prix du Lot avec lequel je repare, mais disons que les revues, en bon état, me reviennent à moins de vingt centimes pièce et que la plupart ont leur supplément, dont les posters 70's non détachés !! L'acquisition d'un autre bon lot de 1976, à la même période, en super état avec suppléments, ravit aussi ma collection.
Au final, en allant à l’essentiel et en axant sur les couvertures les plus belles de Franquin, le maitre incontesté du personnage de Spirou, et en se limitant à un budget moyen de 15/20 euros pièce par album chiné, (je ne veux pas de déchet ultime), ou 60 euros maximum pour le plus ancien de 1953, après négociation, en état très bon, je peux aligner dans ma bibliothèque les tomes suivants, (qui sont les parties immergées d’une collection comprenant aussi des fascicules en nombre des années 70, 80 et 90 -2000).
Recueils Spirou :
(23) (recueil reconstitué avec l'équivalence des fascicules de l'année 1947).
(32) (recueil reconstitué avec équivalence fascicules 1950)
(35) (recueil reconstitué avec équivalence fascicules 1950).
(43), 44, 45 (1953)
(46), (47) 1953(48), (49) (recueils reconstitués avec équivalence fascicules 1954)51
(56), 57, 58, 59, 60, (1956)
(61, 62) (recueils reconstitués avec équivalence fascicules) 1957
63, 64, 65, 66, 67 (1957-1958) dont le 64 et le 65 lus à l’époque dans mon camping d’enfance...
70 (1959)
80, 81, 87, 88 (1961-1962, 1963)
89, 90, 91, 93, 94, 98 (1963, 1964, 1965)
105 (1967)116, 117, 129, 135, 136, (137), 139, 140, 141, 147, 151 (années soixante-dix)
166 (1982)
(181), (182) équivalents 1985.
Nb : mes premiers Spirou en fascicule datent des années 1966 et 1975. Un cadeau d’un ancien voisin de mes parents lorsque nous habitions en immeuble à Riorges (42153).J’ai lu ensuite des albums cartonnés de chaque histoire via la bibliothèque municipale de Roanne, étant enfant, et cela correspondait à peu près aux éditions du milieu-fin des années 70. Ma Madeleine de Proust se situe donc dans ces années-là.
(*) Ce propriétaire excentrique avait une faculté à plaire aux enfants et un côté "Géo Trouvetou" qui lui faisait inventer et fabriquer tout un tas de gadgets sympas. Par exemple, un petit train parcourait les allées du camping à un moment de la journée, une chaque enfant connaissait, car dès lors que Mr Abeille démarrait du haut du camping où se situait son bureau d'accueil et descendait vers les emplacements pour ramasser les ordures accumulées dans un wagon ouvert special, chacun avait le droit de monter dans les quelques autres accrochés pour profiter de la ballade. Il fallait y penser ! Il mettait aussi à disposition, sous le grand préau en bois à l'entrée du camping, vers les aires de jeux traditionnels, une table de billard rustique si je ne m'abuse, et des échasses en bois pour s'entraîner à marcher avec.
(1) et (2) References :
http://www.spirou.free.fr/
https://alex002braun.wixsite.com/archives-spirou/accueil
https://www.bdoubliees.com/journalspirou/
http://www.inedispirou.com/forum/index.php