Critique de Renversante, d’après Florence Hinckel, vu le 18 juillet 2022 à 10h à Présence Pasteur
Avec Léna Bréban et Antoine Prud’homme de la Boussinière, mis en scène par Léna Bréban
Cela fait plusieurs éditions que j’essaie d’instaurer cette petite tradition du spectacle jeune public dans mon programme. Renversante n’est pas vraiment un jeune public. C’est un tout public avec une adresse particulière aux scolaires. Je l’ai choisi sur le nom de Lena Breban, dont j’avais tant apprécié le travail autour de Comme il vous plaira. Et puis, un spectacle féministe de temps en temps, ça ne fait pas de mal.
En fait, c’est plutôt un spectacle masculiniste qui nous est proposé ! Renversante, et non renversant, parce que dans le monde qui nous est présenté sur scène, le féminin l’emporte sur le masculin. On prend notre monde actuel, et on inverse tout. Le rose et le bleu, les règles grammaticales, l’image de l’homme et de la femme dans les publicités, le traitement de chacun à l’école, les qualités mises en avant, leur présence présence à la tête de grandes entreprises ou en politique, tout y passe. Et c’est brillant.
Florence Hinckel a vraiment eu une chouette idée, et l’adaptation théâtrale est une grande réussite. Déplacer le problème, ça permet de créer un petit électrochoc chez le spectateur. C’est drôle de se rendre compte malgré nous de tout ce qu’on a bien intégré sur les différences de place entre les hommes et les femmes, sur les préjugés sexistes qui régissent notre quotidien. C’est choquant d’être choqué tout au long du spectacle. On rit d’un rire parfois gêné, parce qu’on se sent bête, parfois
A aucun moment, le propos ne se fait moralisateur. Les deux adolescents incarnés par Léna Bréban et Antoine Prud’homme de la Boussinière s’interrogent sur le monde qui les entoure, invitent le public à se poser des questions, mais sans accuser. Ils montrent, et ils montrent avec beaucoup d’esprit. La mise en scène de Lena Breban est hyper efficace, pleine de peps, parfois cartoonesque, elle va chercher du côté de la chanson, de l’image, de la vidéo, pour mettre tous nos sens en alerte, et nous prépare au mieux au débat qui suit le spectacle, mené par les comédiens eux-mêmes. Il n’y avait pas beaucoup de jeunes dans la salle, ce matin-là, mais on imagine sans peine les réactions des collégiens devant pareil spectacle. A peu près les mêmes que les notres – en plus bruyant peut-être.
Un spectacle d’utilité publique, qui permet d’ouvrir les yeux sur le sexisme systémique. A voir.