Critique d’Immortels, de Nasser Djemaï, vu le 18 juillet 2022 à 22h à la Fabrik Théâtre
Avec Pauline Huriet, Victor Bonnel, Charlotte Déniel ou, Laure Millet (en alternance), Paõla Duniaud, Charlotte Durand-Raucher, Meledeen Yacoubi, Samuel Yagoubi,
Pour ce spectacle, j’ai décidé de faire confiance. Faire confiance au musicien de la troupe, Selim Kerrou, rencontré dans les rues d’Avignon alors qu’il tractait. J’adore être tractée. Je trouve l’exercice formidable. Selim Kerrou m’a convaincue de venir voir le spectacle, il était plein d’envie, plein d’enthousiasme, ses yeux brillaient lorsqu’il racontait le projet. Il a su me partager cette émotion. Alors retour dans ce petit théâtre pour lequel j’ai une tendresse particulière, cette Fabrik juste en-dehors des murs d’Avignon, où, déjà, il y a quatre ans, je m’étais rendue un peu au hasard sur un conseil de festivaliers. Le hasard fera-t-il bien les choses deux fois de suite ?
Immortels est une histoire d’adolescents. Joachim vient de perdre son frère, et il essaie de comprendre. Pourquoi l’a-t-on retrouvé avec pas mal d’alcool dans le sang, lui qui ne buvait pas ? Comment est-il arrivé au sommet de ce building, la nuit du drame ? Quoi de mieux que d’apprendre à connaître sa deuxième famille, celle qu’il s’était choisie : sa bande d’amis ?
Immortels est porté par une toute jeune troupe, et c’est toujours intéressant à voir. C’est souvent plus marqué, dans les qualités comme dans les défauts. Et il peut y avoir une ingénuité, une fraîcheur qui vient apporter une couleur rare au spectacle. Cette couleur se dessine dans Immortels, sous les doigts de Victor Bonnel. Le jeune comédien, qui fait ses premiers pas sur les planches si j’en crois son CV, est un Joachim plus que convaincant. Il ouvre la pièce et nous plonge tout de suite dedans, avec cette voix parfaitement posée et cette présence naturelle au plateau. Il est le point central du spectacle, et il faut dire que ça lui va bien. Un comédien à suivre, assurément.
Autour de lui, tout ne va pas autant de soi. Si certains comédiens tirent leur épingle du jeu, comme Pauline Huriet et Samuel Yagoubi, deux contrepoints comiques très efficaces, ou encore Charlotte Durand-Raucher qui porte en elle une part de mystère de façon très simple et authentique, on regrette que Meledeen Yacoubi, pourtant très convaincant au début du spectacle, n’évolue pas davantage au fil du spectacle, conservant une attitude trop monocorde pour incarner celui qui semble être le leader du groupe. C’est plus embêtant pour Paõla Duniaud, qui signe aussi la mise en scène, et s’est distribuée dans un rôle charnière qu’elle ne parvient pas à assumer totalement.
Du côté de la mise en scène, il y a de bonnes idées, comme ce côté ombres et lumières qui mettent un vrai focus sur l’action et nous plongent au centre des situations, aux côtés des personnages. Mais il y a quelque chose de la rue, une urgence qui vient aussi d’une certaine forme de brutalité de Victor Bonnel, bien soutenu par la musique de Selim Kerrou, mais que la mise en scène aurait pu accentuer encore davantage : si le désordre est bien présent sur scène, les déplacements des comédiens restent encore trop scolaires, trop symétriques, pour coller au petit côté révolutionnaire du texte. C’est peut-être la faiblesse de ce travail, qui s’est concentré sur la sincérité des liens entre les personnages, mais perd son enjeu politique, pourtant important dans la pièce de Nasser Djemaï.
C’est toujours chouette de voir une jeune troupe. Et de découvrir un comédien. Sera-t-il immortel, celui-là ?