Le thème ici : Je suis un animal
Quelques secondes de concentration, une pincée de force et deux doigts de souplesse.
Oup…
Me voilà qui glisse entre les barres du balcon du premier étage. Je me faufile par la baie vitrée laissée entrouverte à mon intention. Le lourd rideau caresse mon pelage roux.
Que je suis fatigué… Cette folle nuit d’errance …
Que je suis affamé, je n’ai trouvé qu’un triste mabouya à me mettre sous les crocs.
C’est qu’il m’a fait galoper le coquin.
D’un pas nonchalant, je me dirige vers ma gamelle à deux trous. Le côté nourriture est plein de vide. Je renifle l’eau du second espace et lape avec dégoût.
Mais où est donc ma maîtresse ?...
Il flotte dans l’appartement une odeur de lit, de renfermé, de plumes d’oreiller. Emmitouflée dans sa paresse, je vois ma maîtresse endormie. Je n’ai jamais très bien compris comment des êtres si grands, si forts et si intelligents pouvaient ainsi passer toutes leurs nuits à dormir.
Ils ne savent pas ce qu’ils perdent… La nuit…
C’est quand le soleil se couche que le ciel nous livre ses secrets les plus beaux. Il me plait de monter sur le plus haut des toits pour jouir du spectacle de cette immensité. Je vois alors, non loin d’une lune d’argent des millions de pépites qui brûlent de mille feux. En l’absence du soleil, il y a la juste obscurité. Finie l’aveuglante clarté, les cris et les mains poisseuses des enfants. L’agitation retombe et les proies de premiers choix sortent de leur cachette. Enveloppé dans les voiles noirs, c’est vrai un délice de surprendre souris, grenouilles et cafards… En l’absence du soleil, le fond de l’air est frais. Seul l’asphalte libère pendant quelques heures une douce chaleur en délicates bouffées. En l’absence du soleil le fond de l’air est pur. Les véhicules sont garés et les vapeurs des échappements ne sont plus que de fugaces souvenirs.
Ils ne savent pas ce qu’ils perdent…
Voilà ma maîtresse allongée dans la pénombre de sa chambre, pas un mouvement, pas un bruit. A pas feutrés je m’approche. Je saute sur le lit, lui renfle l’oreille, frotte la tête sur son épaule lisse. Lève-toi donc, j’ai faim. Viens donc me servir un peu de cette insipide pâtée. Finalement, c’est vrai qu’il est bien doux ce lit. Mes paupières sont lourdes. C’est que je suis si fatigué… Et me voilà qui ronronne, et comme à chaque fois je succombe et me couche avec elle dans les bras de Morphée.
Proverbe créole : Chat pa la rat ka bay bal. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent