Le malaise fatigue l’âme : à quoi bon fuir ceci et accueillir cela? Si vous désirez prendre le chemin du Véhicule unique, n’entretenez aucun préjugé contre les objets des six sens.
Dans toutes les significations du mot, y compris les plus techniques, le malaise, c'est-à-dire le conflit, consomme beaucoup d'énergie donc conduit à la fatigue émotionnelle. Un mot tout simple que Swâmiji utilisait volontiers, c'est le mot at ease qui signifie « à l'aise » (disease signifie d'ailleurs « maladie ») ou at easeness, le contraire du malaise, le « bien-aise » si l'on peut forger ce mot. Nous pourrions dire aussi : complète détente de toutes les tensions, physiques, émotionnelles et mentales.
A quoi bon fuir ceci et accueillir cela? c'est-à-dire rester dans ce conflit de ce que je veux et de ce je refuse, de ce que j'aime et de ce que je n'aime pas, de ce à quoi je dis oui, de ce à quoi je dis non. Cessez cette lutte incessante. Quel est le contraire du conflit? La paix. Cessez d'entrer vous-même en conflit et vous serez en paix, paisible, apaisé, pacifié.
Si vous désirez prendre le chemin du Véhicule unique (le véhicule c'est le moyen de transport sur la voie), n'entretenez aucun préjugé contre les objets des six sens. Les cinq sens produisent les perceptions et le sixième sens, qui correspond à la pensée, engendre les conceptions. C'est une idée aussi bien hindoue que bouddhiste : nama rupa, les noms et les formes. « N'entretenez aucun préjugé contre les objets des six sens. » En tant que soi-même, tout est parfaitement ce qui était destiné à être, ainsi et non autrement. Et ne jugez pas les objets de votre sixième sens qui est le mental.
« Oh, quelle pensée immonde est née en moi! Un désir sexuel pour ma propre belle-sœur » N'entretenez aucun préjugé contre, jamais. Juste voir. On ne peut être libre que de ce qu'on a vu, reconnu et intégré.
Le zen est apparu comme une réaction contre certains abus ritualistes, les points d'appui devenant un esclavage au lieu d'être une aide. C'est la raison pour laquelle tant de maîtres zen sont intervenus de façon déroutante pour donner un grand coup de pied dans cet esclavage. Ne soyez pas prisonnier : que ce qui constitue un support provisoire ne devienne pas une servitude.
Arnaud Desjardins - Zen et Vedanta (Commentaire du Sin-sin-ming)