Malgré le regain d’intérêt pour le guernésiais, une forme du normand, cette langue n’est parlée que par une très petite minorité, 2% des 63.000 habitants de l’île recensés en 2016. Un rapport gouvernemental de 2001 avait recensé 1.300 locuteurs de l’idiome. L'anglais s'est imposé depuis la Deuxième Guerre mondiale, il a supplanté le français. Il y a quelques décennies encore, la majeure partie des habitants de Guernesey s’exprimaient en guernésiais, une forme du normand. On cite toujours Victor Hugo qui dans Les travailleurs de la mer lui avait emprunté le mot "pieuvre" pour nommer un invertébré marin de la famille des céphalopodes, en français, le poulpe.
La plupart des locuteurs en guernésiais sont âgés de plus de 60 ans. Aujourd’hui, cette langue mobilise de nombreuses personnes qui ne veulent pas qu'elle ne soit plus qu’un souvenir, elles œuvrent pour sa survie. Mari C. Jones. linguiste et professeur émérite au département français de l’Université de Cambridge déclare "le guernésiais est issu du normand. C’est une langue romane, au même titre que le français ou l’espagnol". Ce n’est donc pas un mélange de français et d’anglais comme on pourrait le croire. L’histoire commence en 933 quand les îles anglo-normandes deviennent la propriété des ducs de Normandie, lesquels conquièrent l’Angleterre. En 1204, les îles anglo-normandes sont dépendantes de la couronne britannique mais c’est cependant le normand qui continue à être parlé, désormais avec plusieurs variantes comprenant le guernésiais.
À partir du XIXe siècle, "la disparition du guernésiais sur l’île commence véritablement avec le développement du tourisme, l’intensification des échanges commerciaux avec l’Angleterre, et le remplacement du français par l’anglais comme langue enseignée à l’école" poursuit Mari C. Jones. Au XXe siècle, c’est pire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les îles anglo-normandes sont la seule partie des îles britanniques occupée par les Allemands et pour protéger sa population, Guernesey évacue 23.000 personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants, vers le Royaume-Uni. A la fin de la guerre, à leur retour sur l’île, ces Guernesiais ont oublié leur langue et ne la considérent plus que comme un dialecte.
Un jeune homme de 22 ans précise "Cette langue, c’est une grande partie de mon héritage et de la culture entretenue ici depuis des siècles. Beaucoup de noms de rues en sont issus. Des personnes continuent de la faire vivre. La laisser disparaître, c’est impensable!" Il y a quelques années, ce même jeune homme, et trois amis à lui, ont décidé de faire revivre cette langue en l’apprenant. "Le plus dur étant de travailler la prononciation", confient-ils. Ils progressent grâce aux cours hebdomadaires de Jan Marquis, professeur travaillant en étroite collaboration avec la Commission linguistique de Guernesey officiellement créée en 2020, fruit du plan stratégique de développement et de promotion du guernésiais adopté par le Parlement la même année. Elle a pour but d’encourager la recherche universitaire en facilitant le travail d’archives et en participant à des colloques. Il s’agit aussi de faciliter l’apprentissage de la langue par des cours et la mise en relation des élèves avec des "locuteurs natifs".
Récemment, les Guernesiais étaient appelés à s’exprimer sur leur rapport à la langue à l’aide d’un formulaire en ligne, ce dont Sir Richard Collas, président de la Commission linguistique de Guernesey, s’est réjoui "C’est encourageant de savoir qu’il y ait tant d’Insulaires qui souhaitent voir le guernésiais faire partie de leur avenir, et pas seulement de leur passé". Des groupes de travail travaillent déjà à la revitalisation de la langue et Mari C. Jones note que "la pandémie de Covid-19 a apporté son lot de nouveaux mots". On remarque “Écartaïr” pour parler de la distanciation sociale, “Renfrumaïr” pour “isolement” ou “vidgio-d’vis” pour “visioconférence”. Rédaction internationale En savoir plus sur cet auteur Dernier week-end des vacances. C’est la rentrée et nous nous l’affrontons tous en traînant nos galoches, ne sachant pas trop de quoi elle sera faite. Il y a un an, nous avions encore l’espoir que les problèmes et autres difficultés liés au Covid-19...