Étudiante de Trois-Rivières, elle se rend à l'anniversaire de l'ami d'un ami, dans un appartement bondé d'étudiantes et d'étudiants de l'Université de Sherbrooke. Parmi eux, Simon, étudiant en génie mécanique. Elle est célibataire. Ni belle, ni laide, elle sait comment se présenter et elle plait aux gens car elle à de la conversation. Elle a étudié en droit, mais n'est pas certaine d'y rester. Elle en fait donc part à plusieurs, des fois que ça les inspire pour ensuite, l'inspirer, elle, dans une nouvelle direction. C'est comme ça que elle et Simon engage leur conversation. En parlant de directions incertaines. Ils parlent longtemps. Ce n'était pas prévu comme tel, mais la conversation s'étire sur la presque totalité de la soirée. Simon veut l'aider à s'orienter. Elle ne lui laisse pas croire qu'elle voudrait coucher avec lui ou même entamer une amitié autre que celle qui s'improvise à l'instant et c'est pour cela qu'assez rapidement, ce n'est plus elle qui nourrit la conversation, mais bien lui.
C'est le concept de l'éteignoir. Si je cesse d'alimenter la conversation, elle s'éteindra naturellement toute seule. Un(e) ami(e) passera et elle se laissera porter par la vague de cette personne pour la suivre et quitter la conversation. Mais Simon est habile. Il a vite pris le lead de la conversation. Il dirige les sujets. Il ne semble pas flirter, ce qui la rassure, car elle ne voudrait lui laisser croire des choses qui ne sont pas vraies. Elle ne veut pas aller plus loin avec lui. Elle regrette presque sa petite robe d'été qui l'avantage. Regarder ailleurs, ne pas se montrer si intéressée ni trop passionnée par ses propos. Mais il l'a fait rire pour vrai au moins trois fois. Ça la charme, mais ça ne fait que donner plus de temps à la conversation, et bientôt, elle se sentira trop pleine d'alcool pour conduire sa voiture pour le retour à la maison. Ayant réussi à se détacher de lui pour le reste de la soirée et passer du temps avec les autres, elle remarque qu'au moins deux fois, il tente, à distance, de faire un contact visuel avec elle. Les deux fois, habilement, elle évite son regard. Ne porte pas attention à lui. Et jase comme elle le fait si bien avec plein d'autres convives. Elle est célibataire, mais avoir un compagnon amoureux n'est pas son objectif. Être agréable pour les gens est dans sa nature. Mais dans le chaos de fin de soirée, la chorégraphie des départs des invité(e)s, trop intoxiquée, elle manque les possibilités de revenir chez elle dans la voiture d'un(e) autre. Elle couchera finalement sur place. Sur un divan. Simon aussi. Sur un autre divan. Trop près d'elle. Quand elle se réveille le lendemain matin, sa propre camisole est passée presque par dessus sa propre tête, son soutien-gorge est ouvert, exposant ses seins, et Simon a deux doigts dans son vagin. Depuis combien de temps, elle ne le sait pas trop, mais il l'agresse. Tout ça se passe très vite. Elle en reste traumatisée, elle crie, il avoue avoir été déplacé, s'en excuse. Elle portera plainte, malgré toute la frayeur que le processus fait naître. Des années plus tard, un verdict tombe. Simon a reconnu ses torts, a même confessé une autre agression par le passé où il ne s'est pas fait prendre, a entamé des démarches afin de changer son comportement. Elle, a été forcé à la thérapie et reste craintive alors que la confiance la guidait auparavant. Elle a peur des hommes, en général. Est devenue très anxieuse. Le juge tranchera en faveur de l'accusé. Disant que tout ça c'est passé très vite, et qu'il faut absoudre inconditionnellement le pauvre Simon qui pourrait être empêché de voyager dans son métier d'ingénieur. Ce n'est jamais arrivé, mais quand tombe le verdict, il est justement à l'étranger, en vacances. L'étrange juge rajoute qu'il a un bon métier, et est issu d'une bonne famille...Elle ne comprend pas ce qu'on est supposé comprendre. Agresser serait légal si on est issu d'un bonne famille et si on a un bon métier ? Si ça se fait vite, bingo!L'employeur de Simon est si outré pas tout ça qu'il choisit de limoger Simon. Le juge travaille toujours. Le ministre qui l'a nommé aussi, mais lui on peut le condamner aux élections d'octobre.
Elle est une Femme, au Québec.
Lui:
Il est un artiste qui aimerait bien percer dans le monde musical. Il a changé son nom afin de mieux vendre ses oeuvres. Mais depuis 5-6 ans, sa carrière ne lève pas tant. Il faudrait qu'il frappe un grand coup. Il est humain à la peau noire, à Montréal. Et pendant l'été, pendant le Festival de Jazz,le metteur en scène Robert Lepage et la chanteuse Béatrice Bonifati, travaillent ensemble un show voulant rendre hommage aux humains à la peau noire et à leur créativité aux travers des époques, dont l'incontournable et traumatisante période de l'esclavagisme sur le continent Nord-Américain. Ça s'appellera Slav. On consulte assez peu d'artistes à la peau noire et on en utilisera aussi assez peu dans le spectacle final. C'est plutôt malhabile. Lui, s'en plaindra à une haute commission du Canada, et au final, il aura en partie raison. Le spectacle aurait dû être mieux pensé et travaillé. Lepage le concèdera lui-même, on pouvait faire autrement. Quand un artiste du Festival de Jazz se retire du spectacle qu'il devait donner dans le cadre du festival, quand les menaces planent autour du théâtre qui auraient présenté le show, quand les accusations d'appropriations culturelle fusent de partout, on choisi, dans la désolation commune, de laisser tomber le spectacle qui avait vendu tous ses billets. Quelques années plus tard. sa carrière à "lui" n'a pas encore levé. Il chante, mais ce qu'il fait intéresse assez peu et n'est pas relayé par les diffuseurs de musique. En conduisant sa voiture un jour, il entend, à la radio de Radio-Canada, l'animatrice Annie Desrochers et le chroniqueur Simon Jodoin, parler en long et en large du livre " Nègres Blancs d'Amérique", de Pierre Vallières. Brûlot de 1968, racontant le Québécois comme il le perçoit, rédigé en prison, parce qu'il avait été supporté les Black Panthers en 1966, Vallière s'inspire de ses co-détenus, majoritairement humains à la peau noire, sous les barreaux. Le livre du Felquiste, son attitude frondeuse, surtout, lui vaudra des condamnations au Québec aussi. Après 4 mois de détention aux États-Unis, il est condamné à vie en 1968, mais la décision excessive est révisée deux ans plus tard. Il est même libéré suite à un procès équitable.Lui, au volant de sa voiture, entend "le mot en N", nécessaire au titre. La descendance d'Agatha Christie a fait changer 10 Little Niggers par And Then They Were None. Pour chaque disparition dans le livre, une statuette représentant un africain disparaît aussi. De nos jours, les nouvelles éditions ont toutes ce titre. Mais en 1939, ironiquement ailleurs qu'aux États-Unis, ce sera toujours 10 Little Niggers. Mais aux É-U, dès 1940, And Then They Were None. Par sensibilité pour la communauté d'humains à la peau noire.Lui, sentira un malaise au volant. N'arrivera plus à se concentrer. Le titre de Vallière, inchangé mais aussi difficile à changer sans dénaturer le propos, le déstabilise et il portera officiellement plainte. On donnera raison à cet unique homme à la peau noire qui reste inconfortable avec ce titre et on blâmera Radio-Canada.
Annie Desrochers est une excellente animatrice radio, et une meilleure humaine encore, hors micro. Simon Jodoin est un passionnant passionné chroniqueur radio, fascinant d'excellence.
Lui, est un homme à la peau noire, au Québec. Un médiocre artiste aussi. Mais un homme.
Ombres sur notre province. 4 x Lui.