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Gaston Leroux - La Reine du Sabbat (2) - Première entrevue de l'impératrice [Sissi] avec son professeur de romani

Publié le 04 juillet 2022 par Luc-Henri Roger @munichandco

Merci de prendre d'abord connaissance du premier post sur l a Reine du Sabbat de Gaston Leroux : cliquer sur le lien https://luc-henri-roger.blogspot.com/2022/07/une-nouvelle-version-du-drame-de.html

Première entrevue de l'impératrice Gisèle (Sissi) avec Rynaldo, son professeur de romani. L'impératrice souhaite apprendre la langue des roms. Gaston Leroux nous livre un beau portrait de l'impératrice qui vient de perdre son fils.

[...] Quinze jours après les événements que nous venons de rapporter, huit jours après les funérailles de l'archiduc Adolphe, Rynaldo, qui venait d'embrasser Myrrha, quitta la rue de l'Eau-de-l'Empereur, avec ses bagages pour la Hofburg. Toute l'affaire avait été réglée par la princesse Régina, par l'empereur, et aussi par M. de Brixen et même par M. de Riva et encore par l'impératrice Gisèle, admirable polyglotte, qui, depuis longtemps, désirait apprendre le romani, la seule langue peut-être qu'elle ne connût point.

[...] D'une autre porte ouverte dans le fond et qui laissait entrevoir un petit salon, l'impératrice apparut, venant à sa rencontre. Rynaldo, devant cette majesté en deuil, si belle encore, et qui avait tant souffert, s'inclina avec un grand respect. Elle le salua, d'abord de loin, et puis lui dit qu'elle se réjouissait de le voir à la Hofburg, car elle avait, depuis longtemps, le plus grand désir de pénétrer les arcanes de la langue romani. Et le jeune homme l'écoutait sans l'entendre, tout frémissant d'une pitié immense, tout son être vibrant à la musique de cette voix si harmonieusement triste. Et il ne pouvait songer, devant cette statue magnifique de la calme douleur, qu'à toutes les douleurs dont elle était faite. Tant de désespoirs avaient à ce point façonné cette image du désespoir, qu'il semblait impossible que de nouveaux malheurs pussent en modifier l'aspect définitif.

Et le dernier malheur qui était venu frapper à la porte de sa maison n'avait pas dû la surprendre. On racontait dans Vienne qu'elle n'avait point pleuré quand on était venu lui apprendre la mort affreuse de l'archiduc Adolphe. Elle n'avait plus de larmes. Elle avait pleuré d'avance tous les malheurs. Elle attendait qu'un dernier coup vînt la toucher à son tour. Et en attendant, elle vivait dans une extrême élégance d'âme et de corps pour elle toute seule. Elle parait son néant de toutes les grâces. Elle avait tout perdu : l'amour de son époux, ce qui fut son premier malheur, ses fils et ses filles, et peut-être sa foi en Dieu. Et elle ne se plaignait jamais, se montrait le moins possible dans les cérémonies, voyageait beaucoup, vivait en impératrice de solitude. Son dernier ami avait été Jacques Ork. Elle le croyait mort, victime, comme tous les autres qui avaient succombé autour d'elle, des sanglants destins des Wolfsburg. Cette première entrevue de Rynaldo avec son impériale élève fut courte. Le jeune homme, très intimidé, dit peu de choses. L'impératrice, qui n'ignorait pas les conditions exceptionnelles dans lesquelles le jeune tzigane avait accepté d'être son professeur, ne fit aucune allusion aux derniers événements. Mais elle eut, pour cette race bohémienne dont il était issu, quelques paroles qui le remplirent d'orgueil. Rynaldo lui dit tout l'honneur qu'il ressentait d'avoir à lui enseigner le dialecte de la Porte-de-Fer, qui est le plus beau et certainement le plus ancien dialecte de toutes les langues romani, qui sont innombrables. Et comme le prince Ethel entrait, il comprit qu'il devait prendre congé. [...]


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