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Google, Yahoo, Microsoft… la censure et la Chine

Publié le 07 août 2008 par Claudine Verdier

Les Jeux Olympiques qui s’annoncent font reparler de ce sujet sensible : plusieurs entreprises américaines collaborent depuis des années directement ou indirectement à la censure du web en Chine. J’ai parcouru plusieurs articles à ce sujet qui ont particulièrement attiré mon attention.

Pour mémoire, le débat avait été lance il y a trois ans lorsque Yahoo a été accusé d’avoir révélé l’identité du journaliste Shi Tao. A la suite de quoi ce dernier a été condamné à 10 ans de prisons pour avoir envoyé de mails critiquant le pouvoir en place à l’occasion de l’anniversaire des évènements de la place Tien An Men. Yahoo a été traité « d’indic qui a vendu son âme à Pékin « par Reporter Sans Frontière et aurait permis l’arrestation de trois autres personnes en Chine. Jerry Yang, le patron de Yahoo s’en est expliqué devant le Congrés américain : à l’époque de la demande des autorités chinoises sa société n’avait pas connaissance de la gravité de la charge qui pesait contre le journaliste, ni des conséquences que cela pouvait entrainer.
Or juste après le procès Yahoo a quand même acheté 40 % du moteur de recherche chinois Alibaba, et doit bien sûr se soumettre aux lois du pays.

Google et Microsoft ont aussi manipulé les résultats de leurs moteurs ou censuré des blogs à la demande des autorités chinoises, bien que leurs serveurs se trouvent aux Usa. Et, toujours selon Reporters Sans Frontière, Cisco, spécialise des réseaux, a livré les routeurs sans lesquels le projet gigantesque « Golden Shield » avec ses 10 000 surveillants (censeurs) humains ne pourrait voir le jour. Cisco a également formé les utilisateurs à la programmation du hardware.

Les députés américains s’en sont émus et ont présenté un projet de loi, puisqu’il est dit que la loi doit réguler la jungle de l’internet” : il s’agit du Global Online Freedom Act, ,qui prévoit d’ interdire aux entreprises de révéler l’identité des utilisateurs, sauf pour une application légitime de la loi. Or le Congrés ne s’est toujours pas décidé à adopter cette loi. L’amusant dans l’affaire est que face à cette inertie, Yahoo, Google et Microsoft viennent de volontairement décider d’un code de conduite commun vis-à-vis des pays totalitaires. Les détails doivent encore en être fixés. Mais mauvaise nouvelle : ce code de conduite n’entrera en vigueur qu’au plus tôt à la fin de l’année, lorsque tous les intéressés auront signé… trop tard pour les Jeux de Pékin.

“Depuis le début du processus, notre objectif a été de parvenir à un accord entre un grand nombre d’entreprises, investisseurs, et d’autres organisations non gouvernementales sur un ensemble précis et rigoureux de principes, tels que les gouvernements ne seraient pas en mesure d’ignorer ou de rejeter ces pratiques en matière de liberté d’expression et de la protection de la vie privée “, a écrit Nicole Wong, avocate de Google aux sénateurs Richard Durbin et Tom Coburn.

Microsoft et Yahoo ont envoyé eux aussi des lettres similaires aux députés.
Google a également assuré les sénateurs qu’il ne révélera aucune information sur les journalistes américains, des athlètes ou touristes qui utilisent le Web en Chine.

Ce code ne concerne pas que les fondements de la liberté de pensée et la protection des données, il concerne l’organisation d’un système de contrôle de l’application des directives du code. par un conseil de surveillance dont les compétences ne sont pas encore définies. En tout cas cette initiative des industriels du web américains devance le Congrès qui avait déjà préparé une loi depuis l’année dernière mais ne s’était pas décidé à l’adopter.

Les choses sont de toute façon en train de changer car l’Europe aussi s’en mèle : Jules Maater, député européen, a présenté à 70 députés américain son projet de loi nommé « European Global Online Freedom Act ». Maater veut réguler l’exportation des technologies européennes pouvant étre utilisées pour la censure et soutenir la liberté d’expression et d’information avec une aide de 20 millions d’Euros.

Il sera probablement beaucoup plus facile pour le Congrès de faire pression sur les entreprises pour protéger la vie privée que d’empêcher l’auto-censure des résultats de recherche. En fait, le projet de loi

Mais légiférer sur la manière dont les entreprises gèrent les résultats de recherche ne sera pas aussi simple. Celles-ci peuvent aussi légitimement prétendre que si elles ne censurent pas les résultats elles ne seront pas autorisés à opérer dans les pays concernés. En outre on ne voit pas quelle loi visant à mettre un terme à cette censure n’entrerait pas en conflit avec le premier amendement de la Consitution des Etats-Unis : ce même amendement qui donne le droit aux moteurs de recherche de publier tous types de résultats donne aussi le droit de ne pas publier certains résultats !

En France bien entendu, aucun ” premier amendement” ne vient défendre la liberté d’expression à un tel niveau !

Mais Google n’est pas le leader de la recherche en ligne en Chine : le principal moteur de recherche est chinois est Baidu, qui détient environ 60 de parts de marche, alors que Google n’en aurait que 25 %. De plus Baïdu a signé un accord avec le plus important fournisseur d’accès chinois, China Netcom, qui doit rediriger vers Baidu les internautes qui saisissent un nom de domaine erroné ou inexistant.

baidu

Aujourd’hui on apprend que Google lance un service de téléchargement gratuit en Chine pour contrecarrer Baidu qui est le champion du téléchargement illégal et est d’ailleurs dans la ligne de mire de l’IFPI (International Federation of the Phonographic Industry) qui attaque la société chinoise en justice.

Les majors du search ont donc encore de beaux jours devant elles dans l’Empire du Milieu, mais à quelles conditions ? Vaut-il mieux “collaborer” et être présent pour tenter, d’une manière ou d’une autre de semer ” la bonne parole” ( puisque nous avons décréter détenir cette dernière) ou être absent. Partant du principe que les absents ont toujours tord, une présence me semble indispensable.
Tant mieux si ce ” code de conduite ” devient effectif, même après les Jeux Olympiques. Et tant mieux aussi si cela se fait en dehors de la pression législative. On constate que pour une fois une certaine auto-régulation existe. Attendons de voir ce qui en résultera à terme.

Sources :

Zeit online

The daily Online Examiner

Reporters sans Frontière


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