Le Grand Zack, de Guy Mettan

Publié le 30 juin 2022 par Francisrichard @francisrichard

- Quant aux hommes, je ne sais pas si je les aime ou si je les déteste encore plus, déclara Sapienza. Parfois je les aime à la folie. Ils me touchent et je serais prête à mourir pour eux. Mais souvent ils me dégoûtent et je les fuis.

Ainsi parla Sapienza à Abe, son ancien collègue d'ONG et néanmoins ami. Cet homme, avant de partir en retraite, a, une dernière fois, tenu à retrouver la camarade de ses débuts

Lui a poursuivi sa carrière dans des organisations internationales; elle a fondé en Afrique  une ONG, École pour tous, qui finançait des écoles, des repas et des fournitures scolaires.

Comment peut-on donc aimer selon Sapienza ? Pour aimer, il faut oser. Ignorer le jugement d'autrui, toujours mesquin. Fuir les comparaisons et la morale. Il faut être libre.

Or Sapienza trouve que chez les prétendus civilisés bien éduqués il n'y a de compassion et de tolérance que sur les lèvres et qu'elles ne descendent jamais dans les coeurs.

Aussi Sapienza, excessive, a-t-elle une piètre opinion des hommes occidentaux d'une manière générale: ils sont condescendants et méprisants à l'égard des autres hommes.

Certes elle a raison de dire que les occidentaux, appartenant au soi-disant camp du Bien, ne se comportent pas toujours mieux que ceux qu'ils disent appartenir à celui du Mal.

Certes elle a raison de dire que les occidentaux ont bien souvent répudié indûment l'héritage de ceux qui les avaient précédés sur Terre, mais elle généralise et se trompe donc.

Certes elle a raison de récuser la violence qui détruit, la violence qui nie, la violence cachée, celle qui se cache derrière le voile de la science, mais elle tombe dans un travers.

Ce travers est de rejeter la technique en tant que telle, et de ne retenir que les mauvais usages qu'on en fait sans tenir compte des bienfaits qu'elle a apportés, apporte, apportera.

Le reproche qui pourrait lui être fait, c'est donc de tomber dans le  catastrophisme et d'en arriver comme nombre d'extrémistes à dire que l'humanité ne mérite pas de vivre:

Elle peut disparaître. Elle n'a apporté que destruction et souffrance.

Tout ce qui est excessif est insignifiant, disait Talleyrand et les faits, qui, comme Lénine le disait, sont têtus, montrent qu'en l'occurrence de tels propos n'ont pas vraiment de sens.

Sapienza, en revanche, est beaucoup plus crédible quand elle raconte à Abe La légende du Grand Zack qui veut dominer et asservir le monde au moyen de ladite technique.

Le Grand Zack, un occidental, a en effet la prétention de savoir mieux que les autres hommes ce qui est bon pour eux. Autrement dit il est prêt à faire leur bonheur malgré eux.

S'oppose à ses desseins un homme, qui, en apparence, est aussi faible qu'il est puissant et qui, ici ou là, dans des langues diverses, est qualifié d'ange, un ange qui dit la vérité.

La vérité est que Zack et ses semblables, par des moyens techniques, conditionnent les autres hommes de telle sorte que, pour assouvir leurs plaisirs, ils aspirent à la servitude:

Il nous suffit de procéder par petites touches invisibles, en canalisant, en ouvrant, en refermant, en augmentant ou en diminuant la pression dans les tuyaux suivant les besoins.

Il n'en reste qu'un à résister au Grand Zack, c'est le fameux ange. Aussi décide-t-il de l'affronter dans sa prison et de lui faire une proposition que, croit-il, il ne pourra refuser. 

Seulement ce prisonnier est un homme libre. Muet pendant tout l'entretien, il susurrera à Zack les mots de la fin à l'oreille, ce qui redonnera à Abe un ultime espoir dans l'humanité.

Francis Richard

NB

Le lecteur, qui suit l'actualité, aura identifié ceux qui ont inspiré à l'auteur Zack et son contraire angélique.

Le Grand Zack, Guy Mettan, 96 pages, Éditions des Syrtes

Livre précédent chez le même éditeur:

La tyrannie du Bien, 256 pages (2022)