Ici sont donnés d’abord à découvrir de substantiels extraits du livre, puis est proposée une plongée à livre ouvert dans ce riche ensemble, magnifiquement édité, de plus de 500 pages.
157. Mibu no Tadamine
À peine tombée
Que déjà elle s'achève
La brève nuit d'été;
La voudrait-il plus longue
Le coucou des monts qui chante ?
Kururu ka to
Mireba akenuru
Natsu no yo wo
Akazu to ya naku
Yama hototogisu
160. [Ki no] Tsurayuki
Composé en entendant le chant du coucou
Aux grondements
Des pluies d'été dans le ciel
Il mêle ses cris:
Qu'est-ce donc qui attriste le coucou
Pour qu'il chante toute la nuit ?
Samidare no
Sora mo todoroni
Hototogisu
Nani wo ushi to ka
Yo tada nakuramu
Ces deux poèmes sont extraits du Livre III, Poèmes d’été.
430. Ono no Shigekage
Mandarinier (tachibana).
Comme le nuage
Qui va, s’écartant du mont
Où l’on traine les pieds,
Je n’ai en ce bas monde
Nul abri définitif
Ashihiki no
Yama tachihanare
Yuku kumu no
Yadori sadamenu
Yo ni koso arikere
450. Takamuko no Toshiharu
Usnée (sagarikoke)
La couleur des fleurs
N'est profonde que le temps
De leur brève splendeur ;
La rosée les a teintes
Tant et tant de fois pourtant
Hana no iro ha
Tada hito sakari
Kokeredomo
Kahesugahesu zo
Tsuyu ha somekeru
52. Le prince Kagenori
Bambou de rivière (kahatake)
Dans la nuit noire
À moitié passée, elle décline
La lune éternelle ;
Rends-la nous de ton souffle,
Ô vent d'automne des monts !
Sayo fukete
Nakaba takeyuku
Hisakata no
Tsuki fukikahese
Aki no yamakaze
Ces trois poèmes sont extraits du Livre X, Noms des choses
Kokin waka shû, Recueil de poèmes japonais d’hier et d’aujourd’hui, édition bilingue, traduit, présenté et préfacé par Michel Vieillard-Baron, deux préfaces de Ki no Tsurayuki et Ki no Yoshimochi, Éditions Les Belles Lettres, 2022, 520 p., 25€
« Cette semaine, une merveille de l'art poétique fait son apparition dans notre collection Japon, le Kokin waka shû (dont le titre est aussi plaisant à dire à haute voix que le contenu est beau). Publié pour la première fois intégralement en français grâce au travail de Michel Vieillard-Baron, cette anthologie compilée en 905 sur ordre impérial, rassemble la fine fleur de la poésie de l'époque. Plus de cent auteurs, dont un nombre important de femmes, égrènent les jours et les saisons ou évoquent pudiquement leurs amours par des évocations subtiles de la nature. Les deux préfaces qui agrémentent le volume attestent de son inscription comme classique des classiques dans l'imaginaire poétique japonais. Voici un recueil qui pourra vous accompagner tout le long de l'année, du soleil levant au point du jour . »
Prière d’insérer :
Ce recueil constitue la première des « anthologies de poèmes en japonais compilées sur ordre impérial » (chokusen wakashû). En 905, l'empereur Daigo en ordonna la compilation qui fut confiée à quatre éminents poètes : Ki no Tomonori, Ki no Tsurayuki, Ôshikôchi no Mitsune et Mibu no Tadamine. En cette période de pleine renaissance de la poésie nationale (waka), le propos était de réunir les meilleurs poèmes composés depuis le Man.yôshû (milieu du VIII s.). Sans doute achevée vers 913, l'anthologie rassemble mille cent onze poèmes, presque tous des tanka (poèmes de 31 syllabes), représentant un siècle et demi de création poétique. Parmi les cent vingt-deux poètes, on relève la présence de vingt-six femmes.
Plus qu'une anthologie, le Kokin wakashû est une œuvre au sens plein du terme, dont le propos et la structure sont parfaitement concertés. Les poèmes sont des matériaux grâce auxquels les compilateurs ont élaboré une œuvre originale. Ainsi ne sont-ils pas rangés par ordre chronologique de composition, ni regroupés par auteurs, mais distribués par sujets, et rangés de façon à suggérer le déploiement d'un thème. Des vingt livres qui constituent l'ensemble, les six premiers ont pour sujet les saisons (livres I et II : le printemps ; livre III : l'été ; livres IV et V : l'automne ; livre VI : l'hiver) ; chaque moment de l'année est traité à travers les sujets fixés par la convention : successivement, dernière neige, fauvette, prunus, jeunes herbes, etc.
Le Kokin wakashû comporte aussi deux préfaces, l'une en chinois (celle de Ki No Yoshimochi) et l'autre en japonais, celle de Ki No Tsurayuki. Dans cette dernière, sorte de manifeste, sont revendiquées les vertus de la poésie japonaise : moyen d'expression naturel, capable de toucher tous les cœurs, dans ce monde comme dans l'autre, elle a ses lettres de noblesse, puisque son origine remonte à l'âge des dieux. La préface de Tsurayuki peut être considérée comme le texte fondateur de la réflexion poétique japonaise.
Sur le site des Belles Lettres
« La poésie du Yamato a pour semence le cœur humain et s’épanouit en une myriade de feuilles, les mots. » Le Recueil de poèmes japonais d’hier et d’aujourd’hui est la première des anthologies de poèmes en japonais compilée sur ordre impérial, vers 905. Il a marqué de manière définitive la sensibilité nationale par l’attention extrême qu’il porte au déroulement des saisons et de l’amour. Son influence sur la littérature postérieure est considérable.
Le Recueil rassemble mille cent onze poèmes, de plus de cent auteurs, y compris des femmes, représentant un siècle et demi de création poétique. C’est une œuvre originale, dont le propos et la structure sont parfaitement concertés.
Cette traduction intégrale, soigneusement annotée, est la première en français.
Le traducteur
Michel Vieillard-Baron est professeur à l’Inalco et chercheur à l’Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est (IFRAE).Ses travaux portent sur la poésie japonaise classique, son esthétique, ses usages, ainsi que sur les rapports entre pouvoir et poésie. Il a publié en 2015 aux Belles Lettres Recueil des joyaux d’or et autres poèmes, traduction d’un manuscrit poétique conservé au Musée Guimet, et en 2022 le Kokin Waka Shû, ecueil de poèmes japonais d'hier et d'aujourd'hui.
Ecouter quelques extraits bilingues :
Kokin Waka Shû. Recueil de poèmes japonais d'hier et d'aujourd'hui