Sur la terre, sous la terre et ailleurs
En hommage au grand artiste
et éditeur, Marc Pessin,
qui s'est invibilisé
dans la vie et dans la mort
Jours pensifs où dérive la barque de tes morts, père, mère, frère, et tant d'amis. Serions-nous seulement des rescapés sur la terre ? Tous extravaguant, et tôt ou tard emportés par les calamités successives, les égarements meurtriers, ou simplement l'âge et ses désastres. Nos corps nos esprits peuvent se consumer, la vibrante substance de nos actes de nos mots être emportée par les turbulences qui dehors dedans nous poussent vers l'abîme, elle existe pourtant la prophétie à notre sujet. Des poètes des artistes l'accomplissent. Remontant et descendant le cours du temps, ils parlent aux ombres, captent des clartés et restaurent le souvenir d'un en-delà. Il ritorno te hante.
En Chartreuse, la crypte où se retirait l'un d'entre eux a été rendue au silence spirituel du Désert. Elle recèle le fond mystérieux d'une vie vouée à la création. Le Verbe et l'Empreinte, ainsi l'homme des signes avait nommé la Maison où il travaillait la matière et le sens, magnifiait les mots pour la circulation des souffles. Écritures, peintures, gravures, ne sont-elles pas les traces profondes du désir et du manque en nous, et de leur transmutation ? Biens d'une quête infinie, elles nous offrent en partage une destinée.
Pourquoi prêtons-nous si peu d'attention à la beauté ? demandait le Scribe. Nous préférons souvent les pourvoyeurs de sommeil à ceux qui nous éveillent. Misant le faux brillant contre la lumière farouche du vrai, nous nous égarons dans les mauvais tunnels. La lampe patiente d'un tableau, le phare scintillant de la poésie, leurs dits de sagesse sont des lanceurs d'alerte. De leurs signaux d'amour ou de détresse, lui ne détournait pas la tête. Il entendait le cantus qui remontait des âges et il croyait à la force immuable et sacrée du Verbe que ses doigts imprimaient dans l'argile, le cuivre ou sur le papier. De plain-pied dans le poiein, il sculptait le créé et l'incréé d'un peuple dont il calligraphiait l'alphabet et imprimait les figures mythiques. Editeur, ses livres singuliers transcrivaient l'être et un réel toujours énigmatique. Il y recueillait les langues des poètes pour nous offrir le chant vertigineux des mondes.
Le passeur vit maintenant l'invisible dont il avait su capter des éclats visibles de lui seul. Les galets de la mort ont fermé ses paupières. Roulant dans ta bouche, ils ont poli le poème de l'adieu. Sur cette terre, rien ne peut arrêter la coulée de l'avalanche qui les transporte et nous engloutit. Creusant son lit dans nos corps, celle-ci nous aveugle et nous fait taire. Nos âmes portent la brisure. Mais sa part indéfectible de douleur et d'absence n'ôte pas à la présence son feu caché.
Sylvie Fabre G.
Pour en savoir plus sur Marc Pessin, Poezibao recommande la lecture de son site
Extraits :
" Marc Pessin - qui fonde une maison d'édition qu'il baptise " Le Verbe et l'empreinte " puisque unissant harmonieusement la langue poétique et le trait de la gravure -, va être amené à collaborer avec les plus grands noms du monde de la poésie, parmi lesquels, outre Léopold Sédar Senghor, figurent Louis Aragon, Alain Bosquet, Miguel-Angel Asturias, Tahar Ben Jelloun, Jorge Luis Borges, Michel Butor, Andrée Chedid, François Cheng, Pierre Dhainaut, Jean-Claude Renard, Bernard Sesé, Pierre Emmanuel, Max Jacob, Henri Michaux, Dominique de Villepin, Georges-Emmanuel Clancier, Jean Follain, Claire et Yvan Goll, Eugène Guillevic, Marie-Claire Bancquart, Marguerite Yourcenar, Ossip Zadkine, Pierre Péju, Andrée Appercelle, Jean-Pierre Chambon, Adonis, etc., m'arrêtant dans l'énumération de cette liste dont l'index des auteurs dont il a illustré les ouvrages, et qu'il a édités, comprend plus de 251 personnalités du monde la littérature et de la poésie. D'ailleurs pour se faire une idée de l'immense travail accompli, signalons que Marc Pessin est ainsi à l'origine d'un grand nombre d'ouvrages de bibliophilie contemporaine dont on dénombrait en 2011, lors d'un inventaire, près de 1 250 titres. "