Qu'est-ce que t'es laide !

Publié le 29 juin 2022 par Desfraises

Rentrant du boulot, je croise le chemin de la dame qui illustre le billet Sapée comme jamais. Dans ce papier léger et optimiste, j'évoquais en creux l'élégance comme rempart contre la morosité. La nécessité du beau. Et malgré l'épisode furtif que je vais vous narrer, je persiste à penser que le beau, le bon, le généreux réparent le monde. Mais le beau n'est pas nécessairement bon. 

Démonstration.

Cette dame probablement au crépuscule de ses soixante-dix ans descend la rue Montricher tandis que je la remonte. Elle allonge le bras et me presse l'épaule avec sa main. Que veut-elle ? J'ai beau l'avoir croisée quelques fois, je ne connais que son air apprêté, sa garde-robe bariolée et le toutou au bout de sa laisse. Un rictus de dégoût déforme son visage. Elle désigne du doigt la jolie jeune femme en robe à fleurs flottante en bas de la rue. 

– Non mais regardez. Ce cul énorme, ces cuisses, c'est horrible, non ? 

Je suis tellement estomaqué que je n'ai pour réponse qu'un pathétique :

– Elle fait comme elle peut.

Je ramasse encore mes bras de stupéfaction et m'en veux de lui avoir dit ça.

Si j'avais la possibilité de rembobiner la cassette de mon chemin et croiser l'ignoble trace de cette harpie, je lui répondrais :

– Vous êtes très élégante... mais pourrie de l'intérieur.