Au fil des jours la distribution de la représentation du 28 juin a été passablement remaniée : le ténor ukrainien Dmytro Popov est venu interpréter le rôle d'Alfredo en lieu et place de Stephen Costello, Simon Keenlyside celui de Giorgio Germont que devait chanter Leo Nucci et enfin Milan Siljanov celui du jardinier initialement prévu pour Roman Chabaranok. Le rôle principal n'a pas été dévoyé : c'est bien la très attendue Lisette Oropesa qui a magnifiquement incarné Violetta Valéry.
La mise en scène n'a pas changé, et c'est dommage. On en est resté à la bonne vieille production de 1993 qu'avaient commise Günter Krämer et le scénographe Andreas Reinhardt, une machine plutôt rouillée. Pour le premier tableau, seule la partie inférieure de la scène est utilisée : un couloir fait d'une bande rouge et noire comportant toute une série de portes qui s'ouvrent sur un second couloir où va se dérouler la farandole des aristocrates et des grands bourgeois et des demi-mondaines qu'ils entretiennent. Les portes ouvrent peut-être sur autant de séparés où l'on peut se retirer pour des plaisirs plus particuliers. Cette farandole est le seul moment dynamique d'une mise en scène extrêmement statique. Un parc jonché de feuilles mortes avec des chaises dépareillées peut-être achetées chez un brocanteur, à droite une balançoire, à gauche un immense lustre montgolfière surdimensionné avec ses guirlandes de pampilles de cristaux qui, au dernier acte terminera à moitié affalé sur le sol : la fête est finie, Violetta va mourir. Le choeur des bohémiennes et des matadors est d'un statisme affligeant, de même que l'introduction en fond de scène d'une figurante sagement habillée, la soeur chaste et pure d'Alfredo, qui n'a pas vraiment sa place chez une courtisane. Au dernier acte, Violetta est alitée sur un grabat posé à même le sol en avant-scène, ce qui ne permet pas de l'apercevoir si on a trouvé place au parterre. Cette mise en scène minimaliste est tout à l'avantage des chanteurs et des choeurs qui n'ont pas à se mouvoir et peuvent ainsi pleinement se concentrer sur le chant.
La cheffe lituanienne Giedrė Šlekytė, qui est aussi l'assistante du directeur musical Vladimir Jurowski, a déjà dirigé plusieurs représentations de La Traviata de Giuseppe Verdi au pupitre de l'Orchestre national. On apprécie les qualités sa direction soignée, élégante et précise, très remarquée alors que la jeune cheffe s'était vu confier en mars dernier la nouvelle production de L'infedeltà delusa de Haydn au théâtre Cuvilliés.
Simon Keenlyside (Giorgio Germont)
Lisette Oropesa, une des meilleures Violetta du moment, a soulevé l'enthousiasme du public tout au long de la soirée, son interprétation est soutenue par une technique remarquable qui lui permet d'exprimer sans défaut toutes les facettes du rôle : la joie insouciante et l'élan passionné, la fragilité du corps et du coeur, la maladie et la misère, le renoncement et la grandeur morale, le désespoir et l'agonie. La palette émotionnelle complexe de la Traviata est rendue avec maîtrise. Lisette Oropesa est la reine incontestée de la soirée. Dmytro Popov, fréquemment invité à Munich, interprète Alfredo depuis 2004 sur les plus grandes scènes, d'une voix bien projetée aux sons brillants et ronds, parfois bourdonnants dans les plus hautes notes et une prononciation un peu hachée qui ne permet pas toujours une bonne compréhension du texte chanté. Le père Germont de Simon Keenlyside est bien connu pour l'approche psychologique raffinée que le baryton donne du rôle, et notamment cette remarquable expression de la détresse paternelle dans "Di provenza il mar, il suol...". Les choeurs dirigés par Stellario Fagone complètent heureusement cette belle distribution.
La Traviata est un opéra grand public et l'opéra de Munich affiche complet. On pourrait cependant en attendre plus de lustre et oser suggérer une nouvelle production.
Prochaine représentation : le 1er juillet avec Placido Domingo en Giorgio Germont et Stephen Costello en Alfredo.
Crédit photographique © Bayerischer Staatsoper.