d'Edouard LouisRoman biographique - 330 pagesEditions du Seuil - septembre 2021Après avoir écrit dans ses précédents ouvrages comment il a dû fuir avant 18 ans sa famille, ce père néfaste surtout, Édouard Louis, ex Eddy Bellegueule, semble renouer avec l’autre moitié de l’histoire, celle qui apporte de la complexité, celle qui déjuge ses parents. Il y avait en eux envers lui à la fois la blessure de le voir transfuge de classe et à la fois la fierté de la même chose. Et Eddy a fait sa mue en Edouard, fuit et trime pour gagner un sommet de la société.Ce n’est pas un nouveau récit semblable, c’est la suite de son travail entamé dès le premier roman sur son complexe ou plutôt son malaise de transfuge de classe. Il analyse sa fuite inévitable, vitale, totale, salvatrice, son arrachement brutal autant physique qu’intellectuel et social : de son village qu’il voit comme le dernier des bleds d’acculturés, il part pour la grande ville d’Amiens, fait la connaissance d’Elena, de la bourgeoisie locale, qu’il mimera - Fake it until you make it - afin de se hisser vers son objectif, avant de découvrir Paris, les milieux intellectuel et gay, et de finir par y déménager. C’était l’époque de sa fuite, tourner le dos aux parents, dénigrer tout ce qu’ils étaient et avaient fait de lui. Ensuite vint l’analyse, essayant d’objectiver sa situation, lui qui toujours, dans les sphères les plus privilégiées, pensera toujours à ses origines, retrouvant même un regard bienveillant sur ses parents, alors séparés. Extrait :"J’ai compris que d’avoir regardé pendant toute mon enfance la télévision sept, huit heures par jour, m’inscrivait dans une histoire particulière, l’appartenance au monde des déshérités, des pauvres, de ce que les riches voient de l’extérieur comme des enfances perdues. J’ai compris que pour eux étudier aussi naturel que de ne pas étudier chez nous."Une ascension pour s’extirper d’une médiocrité annoncée, avec force lectures, perfectionnisme, et stratégie pour se faire accepter aux bons endroits. Sa découverte de son homosexualité participe de sa mue et des rencontres qui vont à l’encontre des attentes familiales. Depuis si longtemps il a reçu l’insulte révoltante, tellement qu’il deviendra l’insulte et écrira son premier roman pour accomplir l’ultime vengeance, la premier réussite, encouragé par son mentor. L'aversion pour son père aura été la cause de sa quête de l'Autre - le bourgeois et l'homosexuel, le citadin et le cultivé - ou bien le moyen et le révélateur.Un roman biographique très touchant et juste.Les avis du Masque et la Plume - FranceInterL'avis de Cécile Dutheil de la Rochère - En attendant Nadeau