Que ce choix d’extraits soit aussi l’occasion d’attirer l’attention sur cette maison d’édition, les Editions des Rues et des Bois et sur le travail éditorial de Nathalie Legardinier.
1
Scénario d'évasion mille fois étudié. L'horloge se brise le sens mollit et coule à gouttes lourdes et lentes. Frontière indivisible entre la règle et l'art de l'exception. Les détails en acte s'avèrent un rendez-vous manqué avec l'orangeraie. Dépossédée de sa naissance revendue à un tiers l'innocence repose en terrain miné. Une noix verte tombe sur un jouet d'enfant oublié à la pluie sale. Hors le vice tout n'est que pourriture. Chiffrer les cadavres par jeu mémoriel. Mettre à profit les ossements au service des jours savoureux. Ne pas disperser les crânes. Les étagères s'effondrent sur le poids de l'analyse. Mission secrète où disparaître l'emporte. Utiliser pour pièce à conviction un poème volatil. Brandir l'indicible aux détracteurs. La plaie et le couteau soumis à un cahier des charges. S'épanouir en ingérant un à un les clous rouillés. Prolonger la lutte. Déplacer l’escargot endormi sur la marche d'un escalier. Court-circuiter l'apathie. Quand les mégaphones du vide happent la dernière symphonie et pistent les dernières âmes rescapées répondre d’une voix si peu convaincante : « vivant » !
10
Rédiger le journal d'un sursis. Prolixité à la hauteur du retentissant ratage. Anthropophagie repliée sur elle-même. Le diariste gratte et triture son moi désenchanté. Un escabeau pour une meilleure vue d'ensemble sur les cendres alentour. L’obsession scénarise ses dernières heures et ne laisse pas l’hôpital prendre la main sur le script. Dans le laboratoire intime manier produits inflammables et révélateurs. Allers-retours jusqu’à Bruxelles pour humer le brouhaha des tavernes. Venez toutes et tous on vous trouvera des lits et vous ne manquerez de rien. Avoir des proches parmi les brigades qui flattent les artistes polis. Se pencher du bon côté pour mieux chavirer. Souffle et rythme mesurés au double décimètre. La peur de la souffrance me relie à vous. Polyhandicap sur le fauteuil roulant vers l'hier.
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Parfaire sa connaissance et croquer un fruit fendu. L'au-delà appelle au leurre l'ardillon pique à même la lèvre du langage. Figures de skate-board sur nuages de plomb. Euphorie de l'amputation. Se mettre en congé de l'abêtissement général. Quand l'abondance se fissure le meilleur ami trahit pour quelques pommes de terre germées. Rassembler ses humeurs et les aligner le long d'un barrage hydraulique. Affouiller l'âme et le sable avant de remonter vers la berge. Truite fario sous la souche saillante. L'ermite observe voleurs de châtaignes et de champignons. Corne de brume dissuade. Absolue et douteuse la liberté parle peut-être un corps-langue-délié.
Christophe Esnault, Vivre, 1-40, Éditions des Rues et des Bois, 2022, 54 p., 14€
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À travers 40 tableaux, Christophe Esnault regarde le monde d'un œil critique. L'état des lieux appelle l'urgence d'un refuge où l'écriture devient la seule façon de vivre dans l’inhabitable.