Le droit d'être femme

Publié le 26 juin 2022 par Réverbères

2022 © Jeanne-Marie Hausman

Ainsi donc, quelques hommes et femmes, six en vérité, qui n’ont d’autre légitimité démocratique que d’avoir été désigné·es juges par un Président, ont décidé de retirer l’avortement des droits constitutionnels des femmes américaines. Quelle honte !
 
À vrai dire, j’ai toujours été partagé sur le concept même d’avortement, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un droit indispensable dont toute femme doit pouvoir faire libre usage quand elle l’estime nécessaire. Cette reconnaissance fondamentale ne m’empêche pas de me dire qu’il y a chaque fois au moins une vie en péril. Mais qu’est-ce qu’une « vie » ? Et à partir de quel moment un embryon devient-il un être humain ? Comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, je n’ai pas la réponse à cette question. Et je crois que je n’ai pas à l’avoir. Seule chaque femme, voire chaque couple concerné, peut avoir une réponse qui lui correspond, dans la situation qui est la sienne ou la leur.
 
Même si je n’ai jamais été directement concerné, mon premier contact avec l’avortement m’avait quelque peu perturbé. C’était dans les années 1970, soit bien avant la loi du 3 avril 1990 qui – en Belgique – dépénalisa l’avortement. Anne était une amie de mon amie. Elle était très jolie, le savait et en jouait. Lors d’une discussion à propos de la contraception, cette jeune fille d’environ 18 ans déclara « Moi, mon moyen de contraception, c’est l’avortement ». Il y eut comme un silence. Je ne sais pas si Anne pensait vraiment ces mots, parlait de son vécu, voulait juste provoquer… Peu importe, elle les a dits et ils étaient lourds.
 
Je crois que l’avortement est toujours la fin malheureuse d’une histoire, même si cette dernière est peut-être très belle en elle-même. Il y a des tas de raisons pour une femme de souhaiter avorter et ce n’est pas aux autres de décider si ces raisons sont bonnes ou mauvaises. Elles sont. C’est suffisant. Cela ne veut pas dire que cet acte serait banal. Non, c’est un acte médical important, résultant d’une décision difficile, et devant être accompli dans les meilleures conditions, tant sanitaires que psychologiques.
 
Refuser aux femmes ce droit fondamental de disposer de leur corps et de leur vie, est une atteinte à la dignité humaine. Donner naissance à un enfant est l’un des moments extraordinaires d’une vie. Ce don doit être une fête pour toutes les personnes concernées, en premier lieu l’enfant et la mère. Refuser à celle-ci le droit de décider si le moment est venu pour elle de réaliser cet incroyable don de soi est nier sa propre existence. C’est, en quelque sorte, ne la considérer que comme un animal tout juste bon à se reproduire, en ne lui reconnaissant que cette fonction biologique. En oubliant qu’elle n’est pas qu’une « femelle », mais avant tout une femme.