Changer de disque. C'est parfois ce qu'il est bon de faire. S'aventurer dans une salle de concert où l'on a pas l'habitude d'aller, où la programmation s'écarte de nos goûts. De ce qu'on connaît. Ce n'était pas mon cas personnellement pour le FGO-Barabara où je m'étais déjà rendue, mais ça reste, pour ceux qui n'y ont encore jamais mis les pieds, une belle expérience à tenter.
C'est un bâtiment entier situé au cœur de Barbès, un vivier musical et culturel, qui donne sa chance à des artistes émergeants, peu ou pas connus, qui n'ont souvent jamais eu l'occasion de se produire devant un public. N'y voyez pas là un manque de professionnalisme, ils sont justement accompagnés et plus ou moins formés par FGO, pour assurer comme il se doit leur présence scénique.
Cette fois-ci, Ray Jane et Kidromi partagent la scène. Séparément. L'un après l'autre. Donc il ne la partagent pas du tout finalement. L'affiche disons. Il y avait si peu de monde. Et pour cause ! Au départ c'est le groupe O'O qui devait commencer le concert, mais pas de chance, un des membres, ou peut-être les deux, ont été testés positifs au Covid, la veille ou l'avant veille du jour j. C'est pourquoi Ray Jane s'est finalement présenté à nous, son public, réduit mais présent, avec tout son attirail.
Etonnant. Complètement seul face à nous, il manie avec nonchalance, douceur et implication tout son matériel : une table de DJ, avec tout ce que ça implique de machines électroniques et technologiques, qui semblent venir du futur, que sa musique ramène immédiatement quelque part en 1990 ou en 2000, avec ses sons de synthèses, son style robotique, et ses chants presque bioniques susurrés en français. Sur le papier, ça sonne plutôt fade et farfelu, mais en vrai c'est tout à fait vif, vivant et planant, doux et agressif. Et farfelu n'est pas péjoratif, ok ? En plus de cette installation, Ray Jane animait un écran placé derrière lui, sur lequel on pouvait voir des images d'un kitsch absolu, entre vieux jeux vidéo et d'autres choses innommables, de ces laideurs maîtrisées qui vous donnent des vertiges sans que vous puissiez déterminer si c'est beau ou moche, même si ce n'est pas la question. Non, vraiment, en plus d'être de la chanson française surprenante et revisitée, c'était un spectacle pour les yeux, les oreilles, la tête, le corps et le cœur. Un ravissement.
Arrive Kidromi. Alien, jeune femme, chanteuse ou prêtresse des ombres les plus opaques et les plus sensibles, qu'en sais-je ? Toujours est-il qu'elle est là. Trois choses : elle, un danseur et un micro, si je puis m'exprimer ainsi. Bon, quatre ! Il y a aussi les lumières qui donnent une texture particulière et supplémentaire au show, qu'elle assure sans difficulté, avec ses morceaux de souffrance, d'amour et d'autres sensations que nous procure sa musique. Donc voilà, un gars, une fille, des cheveux décolorés, des chaussures démesurées, des ambiances tamisées et apocalyptiques et une performance minimaliste et de qualité. Sortie de nul part et de partout à la fois, on sent tout de suite un univers défini, une identité, une direction prise sans qu'elle ait de finalité. De toute façon à quoi ça sert, c'est le chemin qui compte, pas l'arrivée.
Découvrez, écoutez, appréciez, vous ne serez pas déçus, Ray Jane, Kidromi, deux artistes qui méritent qu'on les ajoute à notre playlist !