Lancée en 2015 sur l'idée originale de fournir des services financiers adaptés aux globe-trotters en tout genre, celle qui est devenue une des néo-banques les mieux valorisées au monde a évolué, comme la plupart de ses consœurs, en ajoutant régulièrement des produits et services, dont l'investissement en cryptomonnaies figure parmi les plus récents. Le résultat, tel qu'il ressort sur sa page d'accueil, est un vaste catalogue couvrant, outre le voyage, les paiements, l'épargne, l'assurance (embryonnaire)…
Derrière cette façade un peu banale, il devient de plus en plus difficile de faire la différence avec les établissements traditionnels, qui ont l'avantage évident de proposer une gamme de solutions beaucoup plus étendue et diversifiée, et qui, au moins pour les plus réactifs d'entre eux, ont eu le temps, en sept ans, de rattraper leur retard, par exemple sur la gestion des transactions dans les pays étrangers ou, plus généralement et quoique de manière nettement moins aboutie, en matière d'expérience utilisateur.
Dans ce contexte, quelle est donc la prochaine priorité pour Revolut ? Oubliez toute velléité d'innovation, la mise en place des outils de Salesforce et l'objectif de recrutement de 2 800 commerciaux pointent plutôt vers une démarche de vente agressive. On peut aisément imaginer qu'elle a pour but principal de convertir les détenteurs de comptes gratuits en clients payants, en vantant les mérites de ses options additionnelles. Et elle reproduira de la sorte le pire des banques historiques, sans leurs réseaux d'agences.
C'est un syndrome classique, déjà identifié chez N26, qui affecte Revolut. Son point de départ lui a donné l'impulsion nécessaire à une croissance extraordinaire, mais celle-ci est désormais menacée par l'immobilisme qui s'est installé par la suite. Au lieu de chercher à maintenir son avantage compétitif, en développant sans relâche une vision originale, elle s'est contentée d'assembler les composantes d'une banque « normale » sans se rendre compte qu'elle y perdait son âme et sa capacité à séduire dans la durée.
Une particularité du secteur financier est de fonctionner sur des périodes longues, notamment quand il s'agit de changer en profondeur les habitudes des clients. Or cette caractéristique a des conséquences lourdes sur les opportunités de disruption : il est quasiment impossible d'imposer un nouveau modèle à partir d'une seule idée, aussi géniale soit-elle, car elle finira par être répliquée par les acteurs en place avant que son géniteur n'ait eu une chance d'affermir sa position. Il reste à espérer que la prochaine génération de trublions saura innover continuellement afin d'éviter ce piège.