Dans la nuit du 7 au 8 août les troupes géorgiennes attaquent l’Ossétie du sud. Le président de la Géorgie, Mikheil Saakachvili, compte sur l’ouverture des JO de Pékin pour bénéficier d’un effet de surprise. Il pense naïvement que Moscou ne réagira pas, Poutine se trouvant loin du théâtre des opérations et Medvedev n’ayant pas forcément la même trempe que son premier ministre. Il se trompe.
Contesté dans son pays où il n’a recueilli que 52% des suffrages à l’élection présidentielle en janvier de cette année, et encore en se livrant à des tripatouillages électoraux, Saakachvili croit pouvoir redorer son blason et obtenir qu’une union nationale se forme derrière lui en se lançant maintenant dans une guerre aventureuse. Encore une fois il se trompe.
Certes le pays tout entier est bien derrière lui, mais au lieu de redorer son blason, cette guerre montre à l’envi qu’il est un chef d’Etat velléitaire et sans aucune vision. Gouverner c’est prévoir. Il ne prévoit pas que la réaction de la Russie sera aussi rapide et aussi victorieuse. Encore une fois il se trompe.
Il fait partie du camp « occidental » – pour la seule et mauvaise raison qu’il s’oppose à la Russie – et s’est rapproché des Etats-Unis et de l’UE. Il a le soutien de Bush. Il n’aura peut-être pas celui de son successeur. Il pense avoir le soutien unanime des membres de l’UE. Certes la Pologne et la Suède, ennemies héréditaires de la Russie, ont des mots très durs envers cette dernière, mais les autres pays adoptent une attitude prudente. Sur l’UE, et sur son président en exercice, encore une fois il se trompe.
Le président Saakachvili, après la riposte meurtrière russe, parle de folie de la guerre qu’il a lui-même déclenchée. Il n’est pas crédible. Il joue le rôle de l’agresseur agressé. Le président Bush n’ose pas parler d’agression de la part de la Russie, même si son représentant à l’ONU emploie le mot, mais il parle tout de même de riposte disproportionnée, comme s’il existait un étalon de la riposte à une guerre d’agression au cours de laquelle des dizaines de villages ossètes sont rayés de la carte en une heure de temps.
Les Etats-Unis, de même que 44 autres pays de la planète, sont mal placées pour donner des leçons à la Russie. En effet ils ont tous reconnu l’indépendance du Kosovo, qui fait réellement partie intégrante de la Serbie, même si ses habitants serbes, à la faveur d’une immigration massive d’origine albanaise, se retrouvent aujourd’hui minoritaires dans cette province où se situent les plus beaux monastères serbes.
L’Ossétie du sud est intégrée à la Géorgie en 1922 par un Géorgien célèbre, un nommé Staline, qui lui accorde l’autonomie, car il sait très bien que ses habitants n’ont rien à voir avec les Géorgiens. C’est pourquoi d’ailleurs, à la faveur de l’effondrement de l’Union soviétique, les Ossètes font sécession de la Géorgie, après que celle-ci, devenue indépendante en 1991, veut supprimer l’autonomie dont cette enclave hétérogène jouit depuis des décennies.
Les Etats-Unis sont encore plus mal placés que les autres pour donner des leçons à la
Russie et condamner les bombardements russes sur Gori et Tbilissi. Ils oublient que, sans mandat spécifique de l’ONU, à la tête de leurs alliés de l’OTAN, ils bombardent Belgrade en 1999, pour
contraindre la Serbie à refluer du Kosovo, où elle a envoyé ses troupes, et ils n’y vont pas avec le dos de la cuiller pour faire plier Milosevic.
Au contraire de l’imprévoyant Saakachvili, Medvedev et Poutine – les Russes sont excellents joueurs d’échecs – ont prévu parmi leurs hypothèses que le président géorgien pourrait péter les
plombs et qu’alors le compte à rebours se déclencherait pour lui. Ils cesseront les hostilités sans doute rapidement maintenant – il faut savoir arrêter une guerre – quand ils seront assurés
d’avoir toutes les pièces dans leur jeu pour imposer une paix à leur avantage.
Francis Richard