“On ne tire pas impunément les moustaches du vieux lion qui dort” a déclaré il y a peu Charles Pasqua à l’adresse de Patrick Devedjian à propos du Conseil général des Hauts de Seine. La métaphore est transposable au conflit qui oppose depuis quelques jours Russes et Géorgiens. Américains et surtout européens ont une large part de responsabilité dans cet embrasement du Caucase. En modifiant les frontières internationales avec la création de l’Etat Kosovar, en laissant croire aux Etats qui ceinturent la république Russe qu’ils avaient une légitimité à rejoindre l’Union Européenne et l’OTAN, européens et américains ont créés les conditions de la réplique Russe. Reste désormais à savoir où s’arrêtera l’escalade militaire et, quelles seront les conséquences pour les anciens pays satellites soviétiques qui avaient pensés un peu précipitamment s’affranchir définitivement de leur imposant voisin.
Bataille pour un confetti. Quelques jours après le début du conflit, il se confirme que la question de l’Ossetie du Sud n’aura été que le prétexte qu’attendaient les Russes pour remettre au pas le petit Etat Géorgien. Le président Géorgien a pensé à tort que ses relations privilégiées avec l’ami américain lui donnaient carte blanche pour régler une “simple affaire intérieure”, les volontés indépendantistes d’Ossètes russophones. La principale erreur aura été de prendre à parti le contingent des 500 casques bleus russes, en toute violation du droit international. Violation pour violation, les Russes ont répliqués en franchissant les frontières d’un Etat souverain. Un partout pourrait-on dire si les populations civiles prises en tenaille n’étaient, comme d’habitude, les principales victimes.
D’incursion, le scénario a tourné en un véritable conflit dont l’issue militaire est sans suspens. Que peuvent faire les 27 000 soldats géorgiens façe au rouleau compresseur Russe ? Moscou choisi de dépasser la question Ossette. En détruisant les infrastructures militaires Géorgiennes, le Kremlin étale sa puissance et indique sans ambages qu’elle ne laissera plus faire n’importe quoi à ses portes. Il tord ainsi le coup au sentiment d’impunité qui s’est développé ces dernières années sous les sirènes européennes et américaines.
Faute de vouloir déterminer un périmètre , l’UE a pris le risque de susciter de vives déceptions en laissant croire que tous les pays de l’ancien bloc soviétique avaient vocation à la rejoindre. La crise Géorgienne rappelle à ceux qui balayait l’argument d’un simple revers de la main que l’intégration trop rapide d’Etats instables constitue un réel risque de guerre pour toute l’Union. Intégrer à tout va, c’est aussi faire sien des frontières à haut risque. Il ne s’agit plus d’une hypothèse d’école liée à la la frontière potentielle avec l’Irak en cas d’adhésion de la Turquie. Depuis l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, l’UE est sur la mer Noire dans une zone géostratégique explosive.
Il y aura bien un avant et un après 8 août 2008, date de début du conflit. La course à l’Est pour l’UE et l’OTAN devrait être stoppée nette. La Russie entend bien se reconstituer outre sa sphère d’influence, un no man’s land où seule la neutralité des états concernés sera admise. Non sans rappeler des épisodes de sinistre mémoire, le nouvel Empire Russe qui a retrouvé des couleurs à travers la manne financière des hydrocarbures, se montre particulièrement attentionné vis à vis de minorités russophones de ses anciennes républiques.
Malgré les mises en garde répétées, tous les observateurs avisés soulignent l’effet boîte de Pandore que constitue la naissance d’un Etat Kosovar indépendant voulue par américains et européens contre l’avis de la Fédération de Russie. Un dangereux précédent en terme de bricolage de frontières dans une région ou la question des minorités et des tracés fontaliers est ultrasensible.
Ce conflit rappelle aux européens qu’au delà de leur puissance économique ils sont des nains politiques et militaires. Alors que Dimanche, Washington dénonçait avec fermeté une ” agression ” de la Russie contre un Etat souverain, et accusait Moscou de vouloir changer un gouvernement démocratiquement élu, l’UE par la voix de la présidence française, tenait un discours très modéré dicté par une volonté de médiation.
La tâche s’annonce ardue pour Nicolas Sarkozy qui rêvait sans doute d’une présidence de l’Union moins agitée. Sa crédibilité internationale future dépendra de sa capacité à parvenir à un accord au sein de l’UE. Les clivages d’hier risquent de ressurgir dans le couple franco-allemand avec un président français précautionneux à l’égard du Kremlin et une Chancelière allemande beaucoup plus intransigeante à l’image des autres pays membres, anciens du bloc de l’Est. L’été de tous les dangers. Daniel Cohn-Bendit aurait-il été visionnaire en faisant un parralléle avec 1936 à propos des jeux Olympiques ?
En vidéo : Explication du dessous des cartes à partir de la situation Tétchène