Les banques innovent-elles encore ?

Publié le 18 juin 2022 par Patriceb @cestpasmonidee
Après 15 ans d'expansion effrénée, la FinTech n'a pas réussi à supplanter les institutions financières traditionnelles – hormis dans quelques niches – et rien ne laisse aujourd'hui entrevoir qu'elle y parviendra jamais. En revanche, elle a un impact sensible sur leurs démarches d'innovation et pas obligatoirement dans un sens positif.
Dans le sillage de la crise de 2008, une génération d'entrepreneurs se prenaient à rêver de renverser les dinosaures de la banque, présentés comme directement responsables des difficultés d'alors. Quelques-uns ont indéniablement réussi à imprimer leur marque sur le monde, entre autres dans les paiements, mais l'utopie initiale est maintenant plus ou moins enterrée et l'ambition prioritaire des startups (et des investisseurs qui les soutiennent) est dorénavant de vendre leur technologie aux acteurs en place.
Ces derniers, de leur côté, ont connu une évolution parallèle. Une fois le premier choc passé, ils ont commencé à réagir à la fois aux changements perceptibles dans les attentes de leurs clients (la même période a vu la naissance et l'explosion de l'économie mobile) et, à des degrés variés, à la menace émergente des nouveaux entrants. Pendant une petite décennie, l'innovation est ainsi devenue une composante critique des stratégies et a accompagné de très près la transformation « digitale » du secteur.
Depuis quelques temps, les deux mouvements se sont mis à converger : les établissements historiques, prenant conscience du potentiel immense que recèle la FinTech, en termes de diversité, d'agilité, de vélocité… autant que dans sa capacité à appréhender les besoins de notre époque, ont progressivement transféré leurs espoirs d'innovation vers celle-ci, à un point tel qu'une grande partie, voire l'intégralité, de leurs programmes reposent désormais sur des expérimentations avec des partenaires.
Les avantages de l'approche sont évidents et en parfait alignement avec les handicaps classiques des grandes structures. La délégation des phases exploratoires, les plus incertaines et les plus susceptibles d'échouer, qu'elle instaure implicitement soulage en effet l'aversion au risque souvent inscrite au plus profond de leur culture. Il faut également souligner que ces étapes amont des processus sont celles qu'elles maîtrisent le moins et où leurs tentatives sont régulièrement sources de gaspillages et de frustrations.
En revanche, la tendance à ne compter que sur l'écosystème pour innover expose à de graves dangers qu'il ne faut surtout pas ignorer. Il s'agit d'abord de prendre garde à la finalité sous-jacente, qui peut facilement dériver vers une focalisation excessive sur les solutions proposées par les partenaires éventuels, au détriment de l'exigence de préoccupation centrée sur le client, qui plus est dans sa perception spécifique par l'institution et non sous une forme générique, toujours relativement artificielle.
Autre défaut majeur, la distanciation introduite par les collaborations systématiques nuit fortement au développement de l'indispensable culture d'innovation dans toutes les strates de l'organisation. Les conséquences s'étendent d'une absence persistante d'audace, conduisant à privilégier la maturité des concepts considérés et à éviter toute rupture, jusqu'à de possibles réticences récurrentes à adopter des produits externes. L'immobilisme et le conservatisme ont alors toutes les chances d'asseoir leur emprise.
Enfin, d'un seul point de vue technique, l'intégration de composants tiers dans le système d'information existant étant naturellement délicate et complexe, en comparaison des cas de logiciels créés par les équipes internes, la recherche de la facilité (notamment pour des raisons de coûts, de rapidité, de compétences, d'incompatibilités structurelles…) peut fréquemment aboutir à des compromis et des approximations préjudiciables à l'expérience utilisateur, contre-productives pour l'ensemble de la démarche.
En synthèse, la capitalisation sur la FinTech – qui s'est donc résolument adaptée à cette orientation – dans les programmes d'innovation de l'industrie financière est incontestablement une voie à poursuivre. Cependant, elle requiert la définition préalable des différents mécanismes qui lui permettront de s'épanouir, entre inscription explicite et partagée dans la stratégie, entretien du pilotage par les besoins des clients et mise en place et propagation d'un modèle de collaborations au cœur de toutes les activités.

Illustration par Gerd Altmann (via Pixabay)