Nommée Kate Coin, en référence à l'assistant virtuel mis à la disposition des clients particuliers de la banque depuis la fin 2020, cette nouveauté extraordinaire (?) consiste en une monnaie numérique en circuit fermé, dont la valeur est fixée à parité avec l'euro. En tant que telle, elle est pensée pour des usages spécifiques, dans un périmètre contrôlé, relevant généralement d'avantages promotionnels ou de programmes de fidélité.
Les cas d'application envisagés par ses géniteurs comprennent ainsi, notamment, l'attribution de Kate Coins lors d'actes positifs pour l'environnement (un emprunt pour l'acquisition d'un vélo électrique…), qui peuvent être convertis en sommes à investir dans un portefeuille responsable ou utilisés, dans le cadre d'un partenariat avec un fournisseur tiers, pour l'achat de fruits et légumes bio, en bénéficiant d'une réduction exclusive.
En attendant une éventuelle concrétisation de ces rêves, après une série de tests préliminaires organisés dans un contexte interne (avec 200 collaborateurs de KBC), la première expérimentation à relativement grande échelle (en l'occurrence avec 8 000 employés) se déroulera, ce dimanche 19 juin, sur les stands de nourriture et de boisson d'un important festival en Belgique, qui accepteront les paiements en Kate Coins.
Où est donc l'innovation dans cette initiative ? Les monnaies virtuelles réservées à des destinations prédéfinies existent depuis belle lurette, entre les porte-monnaie événementiels, les programmes de miles des compagnies aériennes ou leurs équivalents chez les émetteurs de cartes de crédit, les monnaies locales (telles que l'Élef en Savoie, pour n'en citer qu'une) ou celles dédiées à une cause (dont le Tooket solidaire du Crédit Agricole, toujours vivant et bien portant plus de 10 ans après sa naissance).
La seule différence qu'a à défendre le Kate Coin est de fonctionner sur une blockchain, décrite comme nativement programmable. La belle affaire ! Il n'y a là rien de magique, la programmation reste de la programmation et, dans les exemples que je viens de mentionner, il est également possible de fixer des périodes de validité ou toute autre condition de dépense, d'associer des avantages…, avec des technologies traditionnelles, dont la mise en œuvre et l'exploitation sont plus faciles et mieux maîtrisées.
A contrario, les incertitudes planent encore sur l'implémentation retenue puisqu'un des objectifs de la journée de mise en situation sur le terrain consiste à vérifier si elle sera capable d'encaisser un volume de transactions typique d'un déploiement industriel, ce qui reste fréquemment un défi pour ce genre d'approche. Enfin, la communication officielle de la banque insistant sur des usages à vocation environnementale, il faudra peut-être aussi penser à évaluer l'empreinte carbone du système, probablement énergivore.
Au fil des années et de la persistance des illusions technologiques, aujourd'hui renforcées par les promesses fallacieuses du métavers et du web3, la blockchain continue à susciter des projets incohérents et sans aucune valeur ajoutée, dans lesquels sont consommés des efforts et des sommes considérables, alors que les enjeux vitaux les plus urgents, en particulier autour de la « digitalisation », sont non seulement négligés mais, pire encore, pas du tout appréhendés dans un grand nombre d'institutions financières.