Goodbye Colombus de Philip Roth

Par Etcetera
Couverture chez Folio

Vous savez que je consacre ce mois de juin à la littérature américaine et j’ai choisi de lire le tout premier livre de Philip Roth (1933-2018), publié en 1959 alors qu’il avait seulement vingt-six ans, et grâce auquel son talent littéraire a été d’emblée reconnu et salué par la critique comme par les lecteurs.
Je précise que ce livre est à la base un recueil de six nouvelles mais Folio n’a visiblement retenu qu’une seule d’entre elles, la plus longue et la plus emblématique, pour la proposer dans cette édition bilingue.

Note pratique sur le Livre

Editeur : Folio bilingue
Première date de parution aux Etats-Unis : 1959
Date de parution en France : 1962
Traduit de l’américain par Céline Zins
Nombre de pages : 336

Présentation du Livre

Neil Klugman est un jeune bibliothécaire de vingt-trois ans, issu d’une famille assez modeste, juive mais il est peu intéressé par la religion ou par l’esprit communautaire. Un jour, il croise à la piscine une séduisante jeune fille qui lui demande de tenir ses lunettes pendant qu’elle plonge. Ayant réussi à obtenir ses coordonnées il lui téléphone et, assez vite, une relation amoureuse se noue entre eux. La jeune fille, Brenda, est également juive mais sa famille est beaucoup plus croyante et pratiquante que celle de Neil. De plus, il s’agit d’une famille très riche, qui a fait fortune en vendant des lavabos et des éviers, et qui a adopté le mode de vie hyper-sain et hygiéniste des américains parvenus, basé sur le sport à outrance, le culte de la performance, l’ingestion de fruits frais et l’amour du travail acharné. Les différences culturelles entre le jeune homme et la jeune fille, d’abord peu importantes et plutôt amusantes, vont finir par apparaître de plus en plus gravement, jusqu’à devenir difficilement surmontables. (Source : moi)

Mon avis

Ce livre nous apparaît d’abord comme une histoire d’amour mais assez vite on se rend compte que l’aspect sentimental n’est pas du tout le propos de l’auteur et que les relations de couple servent en réalité de prétexte à la confrontation de deux mondes, à la lutte sociale et culturelle entre riches et pauvres, entre, d’un côté, les individualistes épris de modernité et de liberté – représentés ici par Neil Klugman – et, de l’autre côté, les défenseurs de valeurs plus traditionnelles et communautaires, illustrés de manière exemplaire par chaque membre de la famille Patimkin.
L’humour et l’ironie de Philip Roth sont particulièrement piquants quand il s’agit de dépeindre les différents personnages et les traits saillants de leur milieu social et de leurs mœurs habituelles, ce qui dresse une satire divertissante de l’Amérique des années 60. Souvent, la tournure d’esprit humoristique de Philip Roth m’a rappelé celle de Woody Allen dans ses premiers films, un second degré auquel on peut difficilement résister.
Au fur et à mesure qu’on se rapproche du dénouement, le côté dramatique et douloureux des choses commence à affleurer de plus en plus, comme si la plaisanterie tournait peu à peu à la grimace et aux larmes, et ce glissement d’humeur m’a paru très bien fait, prenant et réussi.
Un livre qui jongle avec des émotions contradictoires et qui nous fait passer par toutes sortes d’états et de réflexions, des plus drôles aux plus amères. J’ai beaucoup aimé.

Un Extrait page 89

La journée commença, semblable à n’importe quelle autre. De derrière le guichet de l’étage principal, je regardais les adolescentes sexy aux seins hauts monter à pas saccadés le large escalier de marbre menant à la grande salle de lecture. Cet escalier était une imitation de l’un de ceux qui se trouvent quelque part à Versailles, bien que, dans leurs pantalons toréador moulants et leurs pulls, ces filles de cordonniers italiens, d’ouvriers de brasserie polonais et de fourreurs juifs n’aient guère l’air de duchesses. Elles ne valaient pas Brenda non plus, et si un quelconque éclair de désir me traversa pendant cette lugubre journée, ce ne fut que pour la forme et pour passer le temps. Je jetais quelquefois un coup d’œil à ma montre, pensais à Brenda, attendais l’heure du déjeuner puis, après le déjeuner, le moment où j’allais prendre en charge le guichet des renseignements, là-haut, et où John McKee, qui n’avait que vingt-et-un ans mais portait des bandes élastiques autour des manches, allait descendre tranquillement l’escalier pour s’occuper consciencieusement de tamponner la sortie et le retour des livres. (…)