Les usages numériques seraient responsables, selon les estimations, de 2 à 4% des émissions de gaz à effet de serre et, par essence, les institutions financières figurent, avec les entreprises technologiques, parmi leurs sources les plus importantes. De longue date, incitées notamment par les coûts croissants, elles se préoccupent de réduire la consommation électrique des matériels qu'elles exploitent, depuis les centres de production jusqu'aux équipements de leurs employés, en passant par les réseaux.
Le potentiel d'optimisation sur ces postes tendant aujourd'hui à s'essouffler (quoique l'hypothèse pourrait être sujette à débat…), une nouvelle tendance émerge plus récemment, qui consiste à s'interroger sur la performance écologique des logiciels et la possibilité d'adopter des modèles d'ingénierie susceptibles d'améliorer leur bilan environnemental. Nul ne sait vraiment, à ma connaissance, évaluer la réserve de progrès que représente cet axe mais le principe convainc de plus en plus d'organisations.
Il est vrai que, intuitivement, l'impression qui se dégage de l'industrie de nos jours penche plutôt vers l'insouciance, voire le gaspillage. Alors que les pionniers déployaient des trésors de créativité afin de faire fonctionner leurs applications sur des machines aux capacités minimales, qui s'inquiète en 2022 de l'efficacité du code écrit quand les ressources de calcul disponibles sont presque infinies et bon marché (d'autant plus dans l'infonuagique) ? Ce talent a disparu en même temps que les contraintes techniques.
Et il faut maintenant le ressusciter avec les exigences environnementales de notre époque. Tel est l'objectif du guide d'écoconception publié en avril dernier par l'AFNOR et auquel a contribué la structure informatique du Crédit Agricole. Au fil d'une série de fiches synthétiques (un peu théoriques, hélas), il expose les différentes facettes d'une approche responsable de la création de services « digitaux », en abordant par exemple la frugalité dans la définition de l'expérience proposée à l'utilisateur final comme dans les méthodes, les langages et les outils employés par les professionnels du logiciel.
Dans un registre plus opérationnel, je ne peux manquer de signaler le concours Green Circle proposé par Société Générale sur le sujet, en collaboration avec la plate-forme CodinGame. Ouvert à tous, son ambition est de sensibiliser les développeurs, dont, naturellement, ceux de la banque, fortement encouragés à participer, aux enjeux environnementaux de leur activité quotidienne à travers une compétition ludique au cours de laquelle ils auront la mission de concocter, en solo ou en équipe, la solution la plus sobre possible répondant au cahier des charges qui leur est soumis.
L'événement (en ligne) commencera la 16 juin et s'étalera sur 11 jours. À l'heure où j'écris ces lignes, plus de 2 600 personnes, issues de plusieurs centaines d'entreprises, sont inscrites, ce qui constitue déjà une très belle réussite. Quels que soient les résultats, c'est en effet uniquement par une pratique régulière que les habitudes vertueuses pourront être acquises. Le défi lancé par Société Générale offre une excellente opportunité de mettre le pied à l'étrier, il restera ensuite à prolonger le mouvement dans la durée.
Toutes les initiatives sont bonnes à prendre et, s'il est à espérer qu'elles exercent un impact significatif sur les empreintes carbone des entreprises (et sur les coûts liés à la consommation d'énergie, autre puissant argument), des mesures objectives de celui-ci seraient bienvenues, ne serait-ce que pour stimuler leur diffusion. En parallèle, il faudrait également approfondir leur déclinaison sur des domaines, tels que l'intelligence artificielle ou le « low code », où je soupçonne des déperditions encore plus vastes…