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Après toutes ces années passées en France, je ne comprendrai, probablement jamais, les relations des Français avec la politique. Mais c’est à Paris où ce rapport est des plus particuliers. Particulier n’est pas le mot que j’aurais aimé utiliser. Comme je suis un homme convenable, je n’accablerai pas davantage les Parisiens. Il leur suffit d’être des parigots, parlant avec un accent parigot. Et c’est déjà là, leur juste punition.
Je crois qu’il est temps de revenir à la politique. Cela date déjà de plusieurs années, lors de l’élection à la mairie de Paris, de Monsieur Delanoë. Je crois qu’il devait succéder à Jean Tiberi. Je n’aime pas citer les noms. Je n’ai jamais été un délateur, puisque, je suis comme je l’ai déjà dit, un homme convenable.
Les Parisiens, chaque soir, se réunissaient dans des places publiques, devant la mairie pour plaider la cause de Monsieur Bertrand Delanoë. Soutenir un candidat pourquoi pas ? Le soutenir corps et âme, faire de son élection le but ultime de sa vie, voilà qui est aussi bizarre que peut l’être un parigot.
Ces Parisiens brandissaient au-dessus de leurs têtes, tenue par leurs poignets, leurs propres clés qu’ils arboraient comme des étendards de la conquête.
Ces clés représentaient le symbole de la mairie que le maire sortant, Jean Tiberi le mal-aimé, devaient remettre à Bertrand Delanoë, le nouveau bienheureux et bien-aimé.
Et en langage plus simple, les Parisiens voulaient dire à Tiberi qu’il devrait donner les clés de la mairie à son nouveau propriétaire.
Et en langage encore plus simple : Tiberi, dégage, dépose les clés sous le paillasson.
Je crois qu’exprimé de cette manière les choses sont très claires.
Malheureusement, comme toujours, lorsque le maire aura pris possession des lieux, c’est-à-dire de la mairie de Paris, son premier geste sera d’utiliser un jeu de clés pour s’enfermer dans son bureau. Sa première directive sera de s’adresser à son collaborateur ou à sa collaboratrice :
J’espère que ces idiots qui m’ont élu ne vont pas trop m’embêter.
Et puis il devient imprenable, inabordable, méprisant envers les autres. Les autres ceux-là mêmes qui l’ont conduit à la victoire en brandissant au-dessus de la tête des clés, tenues par leurs poignets. Leurs poignets de la soumission.
Lendemain de la victoire, le lendemain de la liesse, le lendemain des clés tenues par les poignets, l’ensemble des parigots reprendra sa vie d’auparavant : dodo, boulot, et le bon air vicié du métro. Et leurs clés reviennent dans leurs poches en attendant la prochaine soumission.
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