Festival Art Rock - Grande Scène - part one - Jane Birkin et Kim Gordon - Saint-Brieuc, le 5 juin 2022
michel.
Art Rock, jour 3 , le festival affiche complet.
En ce dimanche à la météo hasardeuse, t'as décidé de camper face à la grande scène qui prévoit Jane Birkin, Kim Gordon, Peter Doherty + Frédéric Lo et Clara Luciani.
Une affiche hétéroclite qui forcément attire un public hybride, les fans les plus fervents de Clara Luciani ne vont pas forcément apprécier les autres artistes au programme et risquent d'être sérieusement déconcertés par le noise rock sans concession de l'ancienne bassiste de Sonic Youth.
C'est beau la ponctualité, à 18h, pile, Kim Gordon et son groupe, exclusivement féminin, jaillissent.
Sonic Youth a officiellement cessé d'exister en 2011, année où le couple Kim Gordon/Thurston Moore se sépare après près de 30 ans de vie commune.
Cela ne signifiait pas la fin de la carrière musicale de la madame blonde qui approche de 70 ans, ( elle ne les paraît pas), elle tourne avec Ikue Mori du groupe DNA, elle fonde l'experimental band Body/Head, elle peint et expose ses oeuvres, écrit, tourne dans des films, forme Glitterbust, et enfin décide d'enregistrer sous son nom, 'No Home Record' paraît en 2019.
Son No Home Tour sillonne l'Europe et s'arrête en Bretagne.
Le band: Kim - vocals, some guitar but no smiles/ guitarist Sarah Register ( au look Jean Seberg) / bassist Camilla Charlesworth and drummer Madison Vogt.
Une symphonie, mi-noise/ mi-Wagner, précède l'arrivée du combo, à l'avant- plan, Kim attire les regards, mince et très élégante en noir et blanc, très bien la petite cravate, les autres filles sont en retrait.
La première plage de l'album "Sketch Artist" sera aussi la première ' chanson' ( terme peu adéquat) du set, la voix est rauque, distante, Kim prend des poses agressives, les sonorités produites le sont aussi, on baigne dans un noise rock qui ignore les mélodies .
It's "feast of disorienting beats" écrira Lars Gotrich.
Toujours en spoken word, elle attaque "Air BnB" un morceau mixant grunge et industrial sounds.
A l'arrière, Madison, ni square, ni garden, frappe sèchement sur un élément électronique pour lancer "Paprika Pony" en mode asiatique, la basse brutale et la guitare stridente accompagnent le chant récité de celle qui prend des poses étudiées et théâtrales.
A un mètre de toi, une adolescente, que la musique expérimentale exaspère, a décidé de s'asseoir à même le sol pour jouer sur son smartphone.
Kim s'en fiche et d'une attaque sonique, plus très jeune, amorce 'Murdered Out', une plage, destructrice et désespérée, qui fait mal.
Distorsion, effets bourdonnants, fuzz, le cocktail idéal pour épouvanter belle-maman qui ne jure que par Julio Iglesias.
Sur un pupitre reposent les lyrics de ses chansons, elle retourne les feuilles après chaque titre.
Tu dis, Kim?
' Don't play'
Elle halète, s'accroupit, éructe son texte, Sarah fait glisser une slide sur ses cordes, mais pas à la manière d'un bluesman, elle en tire des sonorités métalliques stridentes, dans un moule Blixa Bargeld, qui font fuir toutes les souris du coin.
On lui refile une guitare, la batterie entame une marche hypnotique, Kim scande l'oraison sinistre 'Cookie Butter' ... I saw I knew I remember I liked I met I awaken I wish I have I saw I approach I fucked I think I won't I was born I fell I drank et ainsi de suite, ça pénètre profond dans ton cortex, pendant six minutes, guitares et basse élaborent un élément sonore expressionniste que Fritz Lang aurait pu utiliser pour ' Metropolis'.
A genoux, Kim agite la vibrato handle, imitée par Camilla et Sarah, t'as l'impression que ta tête va exploser, inlassablement, le quartet poursuit son exercice nihiliste.
L'étrange ' Get Yr Life Back', toujours truffé de bruitages de fonderie et de signaux de sirènes, précède le chevrotant 'Earthquake' pour lequel le fond sonore se réduit à un vrombissement , parfois déchiqueté par une guitare incisive, Kim choisit la litanie, pas trop biblique, pour illustrer son propos.
Après une intro digne d'un horror movie, elle éructe 'Hungry Baby' d'une voix vacillante, c'est du rock noir, sale, rageur, exigeant qui, si tu fais un effort, ne laisse pas indifférent.
Premier contact avec le public pour présenter les musiciennes et annoncer une cover from the mid seventies, 'Blonde Redhead' du groupe new-yorkais DNA
Le titre a inspiré le band Blonde Redhead qui a choisi son nom en hommage au groupe d'Arto Lindsay.
Le set se termine par ' Grass Jeans' sorti en 2021, une protest song au chant revendicatif et gavée de guitares dissonantes, celle de Sarah est maltraitée au screwdriver, de lignes de basse percutantes sur drumming sec.
Le final sera apocalyptique, guitares et basse venant griffer les amplis pour produire un fuzz dément et exploser nos tympans.
Kim Gordon aura été fidèle à sa légende pour donner un set intense et vicieusement thrash.
Changement radical de registre avec Jane Birkin.
Jane, qui a repris le chemin des salles de concerts après avoir été victime d'un accident vasculaire cérébral à la fin de l'été 2021.
Tu l'avais vue à Lanrivain en 2019, un concert magnifique, ce soir elle a ému tout le monde, y compris Clara Luciani, Kim Gordon et Peter Doherty.
Si elle n'est plus convalescente, tu la sens toutefois diminuée, elle est obligée de poser une main sur un tabouret pour ne pas perdre l'équilibre.
Chapeau bas, l'artiste, émue aux larmes, pour avoir tenu une heure debout et avoir empli nos coeurs d'un bonheur intense.
Line-up: Jean-Louis Piérot : piano, guitare et arrangements/ François Poggio : guitare / Marcelo Giuliani : basse.
Direction musicale: Etienne Daho, malheureusement absent. C'est Etienne qui l'a poussée à enregistrer son dernier album, "Oh ! Pardon tu dormais", à l'origine le titre d'un téléfilm écrit et réalisé par Jane en 1992, sur une pièce qu'elle a écrite et jouée plus tard.
En intro, le groupe propose ' Je t'aime, moi non plus'.
Des flashes te traversent le cerveau .
En 1969 l'Osservatore Romano qualifie d'obscène la chanson, résultat elle est interdite d'antenne en Italie, la pub c'était ça à l'époque, Polnareff en avait profité pour ' L'amour avec toi'.
Jane, soutenue par un membre de l'organisation se présente, la foule l'acclame, une voisine verse une larme, elle attaque 'Jane B', tu la revois en 1969, mince, belle, fatale, à l'instar des mannequins de l'époque, Twiggy ou Jean Shrimpton.
Le temps, ce traître!
Après avoir présenté l'équipe, elle propose 'A marée haute' un premier extrait de l'album 'Oh, pardon, tu dormais'.
A Lanrivain le public avait applaudi à une version symphonique de "Une chose entre autres ", ce soir la guitare de François déchire la tendre valse.
Colin Russeil passe derrière les claviers, 'Baby Alone in Babylone' voit Clara Luciani, en coulisses, immortaliser la chose sur son portable tout en fredonnant la mélodie.
En 1971, nous étions à Londres avec Serge pour enregistrer le concept album ' Histoire de Melody Nelson' .
Un disque d'or, évidemment.
Jane décide d'en interpréter plusieurs extraits: ' Ballade de Melody Nelson", "Valse de Melody" , 'Ah Melody...tu m'en auras fait faire des conneries... on adore tes conneries, Jane, tu es aussi touchante en vieillissant que l'immense Marianne Faithfull.
Attaque rock pour ' L'Hôtel Particulier', une autre plage issue de Melody Nelson.
La ' Ballade de Johnny Jane' sur le BO du long-métrage ' Je t'aime moi non plus' est sortie en single en 1976, Jane la chante en duo avec l' acoustique de François.
Personne n'interprète mieux Serge Gainsbourg que Jane Birkin, son léger accent anglais donne une élégance raffinée aux ' Dessous chics'.
Pas de bol, Etienne Daho n'est pas là pour donner la réplique à Jane pour susurrer ' Oh pardon, tu dormais' en duo, too bad!
Ensuite elle revisite ' Ex-fan des sixties' en ajoutant David Bowie à la liste des disparus.
Serge, la machine à tubes, a composé ' Di doo dah' que Jane a inclus sur l'album du même nom en 1973.
En regardant celle qui a du mal à se voir vieillir, tu te dis qu'elle suit le même chemin que Juliette Gréco et qu'elle peut faire de la scène jusqu'à 90 ans, sa carrière ne fait que commencer!
Aïe, des gouttes de pluie vont gâter notre plaisir, mais non, voilà ' Quoi' ... tu as le choix des armes ou celui des larmes.... , quel dilemme!
S'en suit une très longue séquence remerciements avant de proposer 'Les jeux interdits', au fond country et western.
Saint-Brieuc et Jane Birkin, c'est un mariage d'amour, on la repousse sur scène elle propose ' Je voulais être une telle perfection pour toi' et un premier titre en anglais, ' Catch me if you can', interprété à la manière de Marlene Dietrich.
Jean-Louis lui fait un signe, encore une.
Elle dédie ' Putain Putain' à Arno en adaptant légèrement le texte d'origine.
C'était drôle de l'entendre chanter "Bye-bye Brexit, bye-bye Brexit
We're still gonna eat fish & chips".
Francos de Montréal, elle sera le 24 juin à Metz!