Ces derniers temps, j'ai plusieurs fois évoqué le pouvoir d'achat dans mes articles. Derrière cette question se cache aussi celle des inégalités, mais également de la pauvreté... et de la richesse ! Or, s'il existe une définition communément admise de la pauvreté monétaire, il n'en va pas de même du seuil de richesse en France. C'est à ce manque statistique que l'Observatoire des inégalités a tenté d'apporter une réponse. Dès lors, après avoir rappelé comment se calcule le seuil de pauvreté monétaire, nous verrons qu'il est également possible de fixer, à l'exemple de l'Allemagne, un seuil de richesse.
Le seuil de pauvreté monétaire
C'est certainement l'indicateur le plus connu, mais qui présente le défaut majeur de réduire la pauvreté à un simple seuil chiffré. Un individu est en effet considéré comme pauvre, au sens monétaire, lorsqu'il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, généralement fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie. L’intensité de la pauvreté permet, quant à elle, d’apprécier à quel point le niveau de vie de la population pauvre est éloigné du seuil de pauvreté en mesurant l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté.
À la date de l'enquête, en 2018, la moitié des personnes vivant dans un ménage de France métropolitaine ont un niveau de vie inférieur à 1 771 euros par mois (niveau de vie médian). D'où, un seuil de pauvreté monétaire à 60 % x 1 771 = 1063 euros. En 2018, 14,8 % des personnes habitant en logement ordinaire vivent au‑dessous du seuil de pauvreté en France métropolitaine, soit 9,3 millions de personnes.
[ Source : Revenu et patrimoine des ménages 2021 - Insee ]
Et sans la redistribution, le taux de pauvreté monétaire serait bien plus important :
[ Source : Revenu et patrimoine des ménages 2021 - Insee ]
Le seuil de richesse monétaire
Dans la seconde édition de son Rapport sur les riches en France, l'Observatoire des inégalités constate que si le mot pauvreté est facilement utilisé dans les débats publics, le mot riche semble être associé à une certaine gêne. L'avantage des chiffrages monétaires est alors de permettre une forme d'objectivation d'une réalité sociale. C'est pourquoi les auteurs du rapport proposent de "fixer un seuil de richesse équivalent au double du niveau de vie médian, soit 3 673 euros par mois pour une personne seule ou 5 500 euros pour un couple, après impôts". Sur cette base, 4,5 millions de personnes, représentant 7 % de la population, sont riches.
Bien entendu, il existe dans ce groupe des riches des sous-groupes dont les revenus sont stratosphériques. C'est ce qui fait d'emblée dire à certains que 3 673 euros par mois ne correspond pas à un seuil de richesse, mais juste d'aisance matérielle. Tout l'intérêt d'un tel seuil est avant tout de donner une base de travail statistique sérieuse sur la répartition des salaires et des revenus en France. Ceci afin d'éviter de focaliser le débat sur le 1 % de très riches et de sortir des fantasmes sur le prétendu vendeur dans une grande enseigne d’électroménager qui gagnerait 3 000 euros par mois...
Ci-dessous, voici d'ailleurs la répartition des revenus disponibles des ménages en 2018 :
[ Source : Revenu et patrimoine des ménages 2021 - Insee ]
Bien entendu, le rapport ne cache pas les limites de son étude, qui tient notamment à des données statistiques de l'Insee par trop lacunaires sur les revenus du patrimoine. Par ailleurs, une fois fixé un tel seuil, il devient essentiel d'étudier la composition d'éventuelles classes sociales au sein des 7 % les plus riches : lieu de vie, niveau d'étude, type d'emploi, âge, etc. En effet, les auteurs sont conscients que vivre avec un revenu de 4 000 euros ne signifie pas la même chose dans le 16e arrondissement de Paris ou dans une petite ville du Limousin. Ce d'autant plus que l’accession à la propriété est, a priori, quasiment impossible dans le premier cas et très facile dans le second. Au reste, être propriétaire de son logement ou ne pas l'être fait une réelle différence comme chacun le sait...
Ce rapport a donc le mérite de soulever une foultitude de questions à un moment où les puissants stigmatisent trop facilement la prétendue mauvaise volonté des pauvres à trouver un emploi, tout en justifiant par des arguments improbables les rémunérations indécentes que se versent les très riches. Tout cela démontre au demeurant que lorsque l'économie se désencastre de la sphère sociale (cf. Karl Polanyi), cela débouche inévitablement sur un délitement de la société !