Moi, monsieur, je m’oppose à vos lois imbéciles
A vos fausses faveurs, à vos sergents de ville
À ce que vous osez dans votre tribunal
Appeler la justice, appeler la morale.
Je n‘ai jamais été de ceux qu'on dit rebelles
Ou de ces pauvres gars qu'on nous dit criminels
Je suis un travailleur, enfant républicain,
Ou comme vous le dites, un de vos citoyens.
J'ai déjà tant de fois exercé mon pouvoir
Par le droit du scrutin, car c'était mon devoir
Du moins me le dit-on ; et en homme docile
J'acceptai sans broncher ma condition servile
J’acceptai de choisir, du maire au président
Celui qui gagnerait sa place de tyran.
Et celui qui pourrait par le concours des lois
Déposer sur son Front la couronne des rois.
Mais monsieur, voyez-vous, tout cela est fini,
J‘ai attrapé, je crois, la grave maladie
Qui autorise l'homme encore réveillé
A chanter, à danser, et surtout à rêver.
J'ai écrit quelques vers, je me suis fait poète,
Au milieu de mes mots souffle un vent de tempête
Une odeur de révolte, un air de liberté
Le sublime idéal d'une autre société.
Loin de vos illusions j‘ai retrouvé l'espoir
Sous de nouvelles étoiles où flotte un drapeau noir
D'un autre monde où tous seraient libres et égaux
Où nous n’aurions ni dieu, ni maître ni bourreau
Monsieur, pardonnez-moi, si je vous ai froissé
Je ne crois plus en vous et j'ai déjà changé
Mon nom de travailleur pour poète maudit
Pour que change ce monde et vive l‘anarchie !
Jacques PREVERT
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