Les petits chiffres de l’INSEE s’accumulent doucement et pointent tous dans la même direction : l’inflation n’est plus négligeable, elle continue à grossir et ceux qui expliquaient doctement il y a quelques mois que le grossissement observé en fin d’année 2021 était transitoire se sont très officiellement fourré le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. Nous arrivons au milieu de 2022, l’inflation continue de grossir, et ceux qui étaient à l’omoplate continuent de s’enfoncer.
Ainsi, sur les douze derniers mois, les prix ont flambé sur les pâtes (+15%), les viandes surgelées (+11%), la farine (+10%), les huiles (+10%), la moutarde (+9%), le café et les fruits secs (+8%), la viande hachée (+8%) ou les plats cuisinés (7%). Plus gênant encore : les tendances observées lors des négociations en supermarché pour le prochain trimestre (l’été 2022), l’inflation pourrait atteindre et dépasser les 5% dans les prochains mois. Pour rappel, l’inflation observée en avril serait de 4.8%.
Bien sûr, cette hausse des prix pèse d’autant plus sur les consommateurs modestes qui n’ont pas de marge de manœuvre pour adapter leur consommation, déjà à l’étroit dans un pays où taxes, impôts et régulations pléthoriques garantissent un pouvoir d’achat particulièrement contraint. Concrètement, l’épargne des Français est donc mise à contribution et ce d’autant plus que les taux de rémunération de celle-ci sur les comptes traditionnels (livret A, plans d’épargnes divers, pour un total de plus de 480 milliards d’euros) sont microscopiques et bien inférieur à l’inflation constatée.
En début d’année, certains constataient plus ou moins gaillardement que l’encours d’épargne en France avait continué à grimper les derniers mois de 2021 avec 165,8 milliards d’euros épargnés sur divers supports selon les données publiées par la Banque de France, soit un surplus de plus de 55 milliards d’euros déposés par rapport à la situation qui prédominait avant la pandémie.
Cependant, si les classes moyennes et aisées profitent encore des économies que permettent de réaliser certaines situations (baisse de leurs dépenses de mobilité, du tourisme, des sorties au restaurant ou au cinéma par exemple), il en va nettement différemment pour les classes laborieuses qui, elles, commencent à accuser le coup et piochent dès à présent dans leur bas de laine.
Parallèlement, la croissance française, dont on nous avait rebattu les oreilles avant et pendant la campagne électorale présidentielle en trouvant au pays une santé pétulante, semble nettement marquer le pas : les prévisions à son sujet de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) la placent à présent autour de 2,7% pour l’année 2022, alors que les autorités fanfaronnaient du 4,2% à l’automne dernier. Et pouf, fini les chiffres mirifiques !
En outre et comme l’indique une étude de l’assureur Allianz, les choses ne vont pas s’arrêter là : les hausses constatées actuellement ne sont en réalité que le reflet des déstockages et des prix établis au courant et à la fin de l’année dernière essentiellement. La guerre et les nouvelles tensions sur les chaînes logistiques apparues depuis le début de l’année ne seront réellement reflétées dans les prix que dans les prochains mois ce qui pourrait bien se traduire par une hausse encore plus significative des prix alimentaires. Matières grasses, farines, huiles, les prix de ces matières premières doivent, selon Allianz, augmenter encore de 10 à 25% pour refléter les augmentations de coûts subies par les producteurs ; en pratique, si les coûts de production devaient se reporter à 75% (ou intégralement) sur les prix à la consommation, les Français devraient s’attendre à une inflation de l’ordre de 8.2% (ou 11%).
Pour un nombre maintenant croissant de Français « à l’euro près », une telle augmentation signifie très concrètement des sacrifices puis une chute considérable de leur niveau de vie. Pour certains, c’est la différence entre se nourrir et terminer le mois dans le rouge voire accumuler des dettes.
Difficile, dans ce contexte, d’oublier ce qui s’est passé à la fin de l’année 2018 qui a vu le développement d’un mouvement social spontané suite à une augmentation des prix des carburants, augmentation qui apparaît fort modeste de nos jours. Ce mouvement fut à l’époque largement étouffé par la répression policière et les gesticulations gouvernementales qui donnèrent à cette occasion une excellente idée de l’étoffe présidentielle ou, plus exactement, de son absence criante.
Avec un président qui n’a montré aucun mûrissement intellectuel et un gouvernement composé pour une bonne partie des mêmes bras cassés qu’en 2018, peut-on réellement espérer que cette inflation galopante et l’appauvrissement rapide des Français ne se traduira pas par des tensions sociales encore plus fortes ?
Cette question restera sans réponse encore quelques semaines, quelques mois tout au plus, alors que Bruno Le Maire, l’irremplaçable ministre de l’Économie (irremplaçable car personne ne veut hériter du foutoir qu’il a créé), commence à évoquer ses « solutions » pour cette situation économique désastreuse : il exhorte à présent les entreprises qui le peuvent à augmenter les salaires…
Eh oui, c’est aussi ça la puissance intellectuelle au service de Bercy : pour lutter contre l’augmentation des prix, il préconise donc d’augmenter le prix de ce qui est généralement le plus coûteux dans les entreprises, c’est-à-dire la main d’œuvre. Cela va bien se passer. Au passage, on lui saura gré d’au moins laisser un semblant de choix aux entreprises, au contraire des inamovibles gauchistes comme François Ruffin qui, eux, préconisent l’indexation des salaires sur l’inflation, ce qui n’est pas du tout facteur d’inflation non plus.
À présent et indépendamment des mouvements sociaux qui auront lieu (ou pas) dans les prochains mois, on peut déjà dresser les grandes lignes économiques que nos clowns à roulettes vont suivre sans fléchir : devant le constat d’échec cuisant que notre frétillant Bruno ne manquera pas de ne surtout pas établir après quelques trimestres de cafouillages ministériels habituels, l’étape d’après consistera à bloquer ces prix qui ne font que grimper. Comme on peut déjà le garantir sur facture, les pénuries, sur le point de s’installer ou déjà présentes sur certains biens et services, deviendront alors endémiques et le problème, déjà grave, deviendra insoluble par la grâce du « toucher gouvernemental » qui distribue les écrouelles et transforme l’or en plomb.
Que voulez-vous : quand on n’a que le marteau de la distribution de pognon gratuit dans ses mains, tous les problèmes économiques ressemblent à des clous sur lesquels on va donc frapper consciencieusement de la seule façon qu’on sait faire.
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