On a tout entendu sur le premier film de Xavier Gens lors de sa sortie : tentative réussie de cinéma de genre en France, gros navet ridicule, film sympathique mais manquant d'originalité... N'habitant plus en France depuis deux ans, il m'a fallu attendre la sortie DVD pour me faire enfin une idée. Et malheureusement, après le ridicule (mais étonnamment encensé) A l'Intérieur, Frontière(s) est un nouvel échec artistique indéniable. Je fondais pourtant de grands espoirs en Xavier Gens. Son épisode de l'anthologie Sable Noir était l'un des meilleurs segments de la série, et son Hitman, bien que massacré par la Fox et assez stupide, avait de la gueule et dénotait une certaine maîtrise du jeune réalisateur. Je ne m'attendais donc pas à un ratage aussi énorme sur ce Frontière(s)... Et pourtant, ce Massacre à la Tronçonneuse franchouillard a été un véritable calvaire à suivre jusqu'au bout, malgré quelques scènes bien nanaresques qui n'ont fait sourire.
Premier point qui pose problème : aucun personnage n'est véritablement attachant ou suffisamment développé. Les deux personnages les plus développés en début de métrage sont là juste pour servir de chair fraîche (et en plus ils représentent le cliché même du jeune de banlieue insupportable) tandis que l'héroïne est pratiquement oubliée pendant la moitié du métrage. Pour l'identification, on repassera...
De même, le film ne possède aucun réel contexte : les élections présidentielles ne sont finalement qu'un prétexte jamais exploité, la famille de nazis n'est jamais crédible car peu caractérisée. On ne sait pas pourquoi ils pratiquent le cannibalisme (surtout étant donne qu'ils élèvent des cochons) et surtout on a du mal à croire qu'une famille de nazis va jeter son dévolu sur une jeune beure pour perpétuer la race pure ! Les quelques bonnes idées du film, comme celle des enfants mutants vivant dans le sous-sol, ne sont non plus jamais exploitées, preuve que le script est juste un gros fourre-tout rempli de tout ce que Gens apprécie au ciné, sans aucune réelle cohérence. Certaines scènes sont ainsi purement gratuites (genre le cadavre qui ouvre les yeux juste pour le fun) ou défient toutes logique, comme celle de la tonte. Bah oui, la gamine annonce à l'héroïne " Je vais te raser les cheveux parce que le Père n'aime pas les cheveux bruns " alors que la moitié des filles de la famille (dont celle qui fait cette grande déclaration) arbore de longs cheveux noirs. Vive la logique...
Mais le problème majeur du film réside dans le fait que l'intégralité des acteurs jouent comme des pieds. Difficile à croire, mais pourtant vrai. Les jeunes héros récitent leurs répliques de façon automatique, Estelle Lefebure se la joue " je suis une grosse salope mais en même temps je suis super dangereuse, attention ! " et même Samuel Le Bihan fait n'importe quoi, se contentant d'aboyer toutes ses répliques en roulant des yeux et en montrant les dents. Mais la palme revient sans conteste à la fois à Maud Forget et Jean-Pierre Jorris. La première (que Gens a récupérée de son épisode de Sable Noir) tente de (sur)jouer les gamines attardées et pour ce faire adopte une ridicule posture voûtée tout du long en sortant toutes ses répliques à un débit hallucinant. Le second m'a arraché quelques larmes de rire avec son interprétation du vieux patriarche nazi complètement azimuté. Contrairement à Maud Forget, celui-ci sort ses répliques avec une lenteur lénifiante, poussant le vice jusqu'à dire certaines deux fois : une première en allemand et la seconde en français ! Un personnage et une interprétation franchement pathétiques.
Tout ceci ne serait pas extrêmement grave si la mise en scène était correcte, mais malheureusement c'est loin d'être le cas. Outre le fait que la photographie est franchement hideuse, à base de filtres bleus ou verdâtres censés faire glauque, j'ai eu parfois l'impression d'assister à un épisode de Fort Boyard gore : l'épreuve du tunnel serré, l'épreuve où il faut sortir de la cage en plongeant dans des trucs dégueus, l'épreuve du labyrinthe dans le noir, etc. Et là encore, Gens replace tous les tics de réalisation cool qu'il a vus au ciné : le ralenti à la John Woo, les filtres de couleur à la Argento, le passage en vision nocturne, la shakycam...
Et au final, en plus d'être un foutoir sans nom, le premier film de Xavier Gens ne respecte même pas la promesse de son affiche, à savoir être gore et déviant. Les quelques scènes sanglantes sont très loin de rivaliser avec un Hostel ou un Massacre à la Tronçonneuse Le Commencement, et niveau déviance, ben vu comme le postulat des nazis cannibales est crédible, dur de frissonner...
Frontière(s) est donc bien un ratage supplémentaire dans la courte liste des films de genre français, à croire que finalement on devrait peut-être arrêter de tenter de faire autre chose que du " film d'ôteur " ou de la comédie franchouillarde. Espérons que le prometteur Martyrs me donnera tort...
Note : 2/10