En Italie, durant les années soixante-dix, une organisation d'extrême-gauche, les Brigades Rouges, a semé la terreur, faisant près de cent morts et des centaines de blessés.
Parmi ces victimes, il y a Francesco Barro. Il a eu le tort de réussir et d'être le patron réputé d'une entreprise de glaces, fondée à Vérone, qui en lance chaque été des petites, portant les noms de sommets des Dolomites, qu'il avait tant aimés et escaladés.
Le 7 juillet 1978, Francesco est enlevé. Au Barro Bar de la via Stella, il vient de déguster avec son fils Renato, 7 ans, une Coppa del Babbo1, puis d'écouter avec lui un des succès de la chanteuse en vogue, Mina, E se domani, qui est sa chanson préférée:
E se domani Et si demain
Io non potessi Je ne pouvais pas
Rivedere te ? Te revoir ?
Quelque deux mois plus tard, Francesco est libéré. Il n'est plus le même. Il avait cru n'être pas un patron comme les autres: d'aucuns de ses ouvriers, même, le tutoyaient... Deux semaines passent. Il finit par se jeter du haut d'un pont dans l'Adige...
À l'automne 1989, Renato entre à l'Institut Alderson, près de Lausanne, après avoir vécu dix ans à la montagne. Il s'est révélé bon alpiniste et doué pour le théâtre, en dépit de sa timidité, saisissant ses personnages avec un naturel déconcertant.
Sa mère, Gabriella, n'a pas choisi cet institut pour riches pour rien. On y fait du théâtre et le professeur est un Italien, Paolo Montegazza. Très vite, celui-ci s'attache à cet élève, ce qui le met dans l'embarras, parce qu'il n'est pas celui qu'il prétend être.
Cet attachement est réciproque si bien que Renato dépeint Paolo à sa mère et à la gouvernante de la famille, Rosa, sous le meilleur jour. Puisque malheureusement il n'en a plus, il pense en lui-même, et lui dira peut-être un jour: Tu seras mon père...
Volontairement ou non, quoi qu'il en soit Paolo donne des informations à Renato qui vont lui permettre de démasquer son imposture. Dès lors leurs relations ne pourront plus être les mêmes, à moins que Renato ne lui pardonne de l'avoir autant trompé:
Pardonner en trouvant des excuses, c'est un pardon pauvre. Un pardon de comptable. Ce ne serait pas digne de toi. Pas digne du fils de mon Francesco.
[...]
Il t'a demandé pardon par les actes.
[...]
Si tu ne lui pardonnes pas, je crains que tu ne sois jamais en paix.
C'est ce que lui écrira Rosa, qui a élevé le père et le fils, par le truchement du garde du corps de la famille, Antonio, parce que, si c'est une femme sensée et d'une grande finesse de sentiments, écrire quoi que ce soit lui est décidément malcommode...
L'épilogue conçu par Metin Arditi réjouira ceux qui sont convaincus de l'importance de la paternité dans la vie humaine, aussi bien pour l'enfant que pour le père, qu'il soit de substitution ou naturel, parce que son absence est certainement un malheur.
Francis Richard
1 - Coupe du Papa, créée en hommage à son propre père...
Tu seras mon père, Metin Arditi, 368 pages, Grasset
Romans précédents:
Le Turquetto, 288 pages, Actes Sud (2011)
Prince d'orchestre, 380 pages, Actes Sud (2012)
La confrérie des moines volants, 350 pages, Grasset (2013)
Juliette dans son bain, 384 pages, Grasset (2015)
L'enfant qui mesurait le monde, 304 pages, Grasset (2016)
Carnaval noir, 400 pages, Grasset (2019)
Rachel et les siens, 512 pages, Grasset (2020)
L'homme qui peignait les âmes, 304 pages, Grasset (2021)